Un rève en couleur

Synopsis

Dès la naissance du cinéma, certaines voix s'élèvent pour faire remarquer que ce nouveau média tant acclamé n'offre qu'une triste représentation de la réalité: tout est gris. Ce n'est pas la vie, mais l'ombre de la vie que présente le cinématographe, tant qu'il lui manquera cet élément capable de lui rendre tout son réalisme: la couleur... Ce documentaire retrace la véritable histoire de la naissance du cinéma en couleurs.

Analyse et critique

Nous sommes habitués à considérer l’histoire du cinéma suivant trois évolutions successives et distinctes : le muet, le parlant et le cinéma en couleur. Bien entendu, nous sommes très loin de la vérité. A l’exemple des expérimentations sonores qui ont débuté au début du siècle dernier, la reproduction de la couleur fut envisagée dès les origines du cinéma. Puisqu’il s’agissait de donner l’illusion parfaite de la réalité, les recherches dans ce domaine ont commencé très tôt. Déjà les pantomimes lumineux d’Emile Reynaud de 1892 étaient projetés en couleur. Ce documentaire présente la course échevelée à la couleur et les différentes techniques mises à contribution. Plus encore que pour le son, le rendu des couleurs fit appel à des idées et des technologies dont l’originalité - parfois l’incongruité - le disputait à la complexité. La première approche fut celle du coloriage à même la pellicule, un travail long et fastidieux qui ne pouvait produire que des films uniques. Cette technique connût néanmoins un développement avec la coloration au pochoir en 1905 qui permit de générer un nombre illimité de copies. Documentaires et films historiques tiraient partie de ce procédé. Procédé qui atteint son plus haut niveau de développement avec le teintage du support associé parfois au virage pour donner une couleur particulière à une scène. Ainsi l’utilisation de la couleur s’apparenta à un effet de style et acquit un rôle narratif. Mais ces techniques rudimentaires étaient destinées à disparaître, ce qui se produisit à la fin des années 1920. Car le but était logiquement de disposer d’un support déjà prêt à enregistrer l’information couleur.

Avant de poursuivre dans l’exposition des technologies abordées, le documentaire dispense un petit cours magistral sur la couleur. Le sujet est plutôt complexe mais les explications apportées, certes assez brèves, trop même, remplissent assez bien leur office. On aborde la théorie de la séparation des couleurs et l’étude la décomposition de la lumière solaire et la naissance de la trichromie. Voilà une introduction nécessaire pour aborder ce qui sera finalement le sujet principal du film : les procédés Technicolor.

Des dizaines de système différents ont existé mais quasiment aucun n’eut de viabilité commerciale. Un rêve en couleur aborde quelques uns d’entre eux qui connurent une véritable exploitation. En 1908, le procédé anglais du Kinemacolor eut un certain succès de par le monde. En 1913, le Chronochrome Gaumont fut considéré comme le meilleur d’entre eux, mais ses films trichromes nécessitaient un projecteur spécifique. Les problèmes de compatibilité entre différents supports grevaient son potentiel commercial. L’Autochrome Lumière et les films gaufrés (particulièrement difficiles à reproduire) sont également abordés, jusqu’au Kodacolor de 1928, pellicule inversible destinée aux amateurs. Tous ces procédés utilisaient la synthèse additive, à savoir recréaient la couleur lors de la projection. La société Technicolor naquit en 1915 et le premier procédé sorti de ses têtes pensantes faisait également appel à la synthèse additive. Mais c’est en utilisant la synthèse soustractive des couleurs que la firme fut capable de proposer une technique réellement innovante et spectaculaire, et finit par prendre son essor. Technicolor créa même sa propre société de production en 1922.

Le documentaire s’emploie ainsi à retracer l’historique des différents systèmes Technicolor avec les films marquants qui les ont utilisés. Jusqu’à la naissance du Technicolor trichrome en 1932 qui permit de reproduire un spectre de couleur plus complet. On se rend compte que toute technologie, même la plus ingénieuse, ne peut exister sans appui commercial. Une sorte de « feedback » se crée entre la plus-value apportée par la technique et le succès public des films qui la promeuvent. Ce fut le cas du Pirate noir avec Douglas Fairbanks, associé au Technicolor bichrome. Suite à la crise économique de 1929, la firme conclut un accord avec Walt Disney qui eut le monopole du procédé pendant trois ans jusqu’en 1935. Les dessins animés, dont les célèbres Silly Symphonies, surent populariser le système qui devint incontournable. En 1934 sortit La Cucaracha, premier court métrage en couleur trichrome. Et le documentaire de boucler la boucle en citant à nouveau le premier long métrage en couleur de l’histoire du cinéma : Becky Sharp (1935) réalisé par Rouben Mamoulian, dont la bande-annonce figure dans les suppléments du DVD. Enfin, le procédé Agfacolor (négatif et positif) créé en Allemagne en 1939 est abordé. Au delà du fait qu'il fut grandement utilisé par les productions du IIIème Reich, l'Agfacolor est la pellicule moderne qui servit de base à tous les procédés à venir après la Deuxième Guerre mondiale..

A la recherche du son et Un rêve en couleur remplissent parfaitement leur fonction, à savoir présenter assez habilement l’évolution de deux technologies consubstantielles à la nature de cet art qui nous passionne (même si le cinéma muet en noir et blanc nous a livré en son temps un grand nombre de chefs-d’œuvre qui n’ont absolument rien perdu aujourd’hui de leur pouvoir de fascination). 52 minutes pour chacun de ces documentaires ne permettent pas toujours de s’appesantir sur chacun des sujets traités, mais le survol de chacune des techniques abordées reste instructif. Le spectateur peut toujours s’adonner à la lecture d’ouvrages spécialisés pour compléter son apprentissage. On doit cette réussite à une voix off habile à son transmettre son enthousiasme et à des interviews de neuf spécialistes des débuts du cinéma : Julien Anton (collectionneur, spécialiste de l’histoire du phonographe), Paolo Cherchi Usai (George Eastman House), Gian Luca Farinelli (Cineteca di Bologna), Maurice Gianati (collectionneur et historien), Stephen Herbert (historien, ancien directeur du Museum of the Moving Image), Anthony L’Abbate (George Eastman House), Dominique Païni (Centre Georges Pompidou, ancien directeur d la Cinémathèque Française) et Gilles Trarieux Lumière (arrière-petit-fils de Louis Lumière). Mais surtout nous sont proposés en extraits des documents anciens et pour la plupart exceptionnels qui font toute la richesse de ces deux documentaires. Plusieurs pages d’histoire s’animent ainsi devant nous ; à ce niveau, aucun livre ne pourra jamais produire ce type de sensation.

La danse du papillon: la couleur avant 1900

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