Mr. Turner

Synopsis

Les dernières années de l'existence du peintre britannique, J.M.W Turner (1775-1851), membre apprécié quoique dissipé de la Royal Academy of Arts, qui vit entouré de son père et de sa dévouée gouvernante. La renommée dont il jouit ne lui épargne pas les railleries du public ou les sarcasmes de l'establishment. À la mort de son père, Turner s'isole et rencontre Mrs. Booth, propriétaire d'une pension de famille en bord de mer.

Critiques

Entre l'émerveillement provoqué par les tableaux du maître romantique et la trivialité de sa vie quotidienne, le cinéaste a creusé le sillon d'une oeuvre rare, à la fois moderne et intemporelle, sur la création artistique.

20Minutes



L’étourdissant « Mr. Turner » de Mike Leigh

Qu’est-ce qui fait un artiste ? Le fils d’un barbier de Covent Garden, né à la fin du XVIIIe siècle, par exemple. Que lui est-il arrivé, qu’avait-il en lui pour devenir l’un des peintres les plus éminents du siècle suivant ? A la fin des deux heures et demie de projection de Mr. Turner, le mystère demeure, mais on en a discerné les contours, on a même cru en approcher le cœur tout au long de ce film sensible, spirituel et profondément humain.


On découvre Joseph Mallord William Turner (1775-1851) cheminant entre des polders piqués de moulins à vent. On est au premier tiers du XIXe siècle, Victoria n’a pas encore été couronnée, les sujets de son père, le roi George IV, sont en train d’inventer le tourisme. Ce touriste-là n’est pas là par oisiveté, son voyage est professionnel, il a mis ses pas dans ceux de Ruysdael, de Van de Velde. Déjà célèbre en son pays, il n’a toujours pas assouvi sa soif de découverte, déambulateur infatigable (une carte des voyages de Turner à travers la Grande-Bretagne montre qu’il en a fait plusieurs fois le tour), c’est aussi un dessinateur compulsif, chez qui, dirait-on, le regard est inséparable de l’action de croquer ce qu’il voit.


Le plus ordinaire des humains

Or cet être mystérieusement doué est le plus ordinaire des humains. Un grand gaillard un peu pataud au visage ingrat (« Quand je me regarde dans le miroir, je vois une gargouille », avouera-t-il, plus tard dans le film, quand nous aurons gagné en intimité avec lui), qui s’exprime essentiellement par grognements et peine à formuler aussi bien ses pensées que ses sentiments. Ces travers – la laideur, la brusquerie – ne feront que croître avec l’âge, dont les atteintes font aussi la substance de Mr. Turner, puisque le film conte les trente dernières années de la vie du peintre.


Il faut une foi peu commune pour croire à la possibilité d’un film à partir de cette figure a priori indéchiffrable, de toute façon peu engageante. La foi de Mike Leigh repose sur son expérience singulière du cinéma faite elle-même d’un rapport unique entre le metteur en scène, les comédiens et les personnages. Qu’il mette en scène les habitants d’une cité londonienne (All or Nothing), une faiseuse d’anges de l’après-guerre (Vera Drake) ou des petits-bourgeois en leur jardin (Another Year), Leigh ne commence jamais à tourner avant que ces personnages aient pris corps au long d’ateliers menés avec les acteurs, un processus dont il garde le secret. Mike Leigh a été pris du désir de faire de Turner un personnage de cinéma après la sortie de Topsy-Turvy, son premier film en costumes, il y a quinze ans. Le cinéaste a immédiatement décidé que Timothy Spall en serait l’interprète et, depuis, les deux hommes ont réfléchi, élaboré, défini cette créature dans ses moindres détails.


Le visage extraordinairement plastique de Spall se détend ici rarement, le plus souvent figé dans un rictus que l’on prend d’abord pour de la rage, mais qui se révèle tenir plus de la concentration, d’une tension de la volonté. Mais, quand il se relâche, l’effet est bouleversant. On le voit ainsi une première fois révéler la profondeur de son amour filial, lorsqu’il revient à Londres de son voyage en Hollande. Son père (Paul Jesson) a fermé son échoppe de barbier pour devenir son factotum, s’assurant de l’approvisionnement de l’atelier en couleurs et en toiles, parcourant les marchés afin de nourrir son rejeton. Il est assisté par une gouvernante au physique ingrat, Hannah Danby (Dorothy Atkinson), que Turner n’appelle que « damsel » et qu’il prend à la hussarde de temps en temps, ignorant la dévotion amoureuse de la servante.


Epopée du grand âge

Cette peinture d’un intérieur d’artiste londonien occupe les premières séquences du film. Son harmonie est à peine troublée par la visite inopportune d’une maîtresse (Ruth Sheen) qui reproche avec véhémence à Turner de l’avoir abandonnée avec leurs filles, désormais adolescentes. Le peintre leur oppose une indifférence méprisante qui contraste vivement avec sa piété filiale, bientôt éprouvée par l’agonie du vieillard.


La mort de ce père adoré – qui fut à l’origine de la gloire de son fils, mettant en vitrine les premiers dessins du jeune Turner, alors autodidacte – marque le tournant de Mr Turner. On peut, bien sûr, prendre le film de Mike Leigh comme le portrait d’un homme illustre. C’est aussi une épopée du grand âge. Dès avant la mort de son père, on voit le peintre poser les jalons d’une autre vie au côté d’une femme de son âge, bientôt veuve, établie à Margate. A Sophia Booth (Marion Bailey), Turner accorde le monopole de sa sensibilité.


On voit le centre de gravité de sa vie se déplacer, la maison familiale tomber en déréliction et la pauvre « damsel » se flétrir (elle est atteinte d’une terrible maladie de peau) en même temps que l’attention de son maître se détourne. Cette figure féminine devient la victime expiatoire du génie, car dans son nouveau cadre le peintre produit une peinture nouvelle.

Ses critiques attribuent ses audaces à sa vue défaillante, mais Mike Leigh est formel : Turner consacre toute l’énergie que lui apportent les attentions de Mme Booth à la création, jusqu’à son dernier souffle.


Une langue riche et vraisemblable

On mentionnait plus haut la relation unique que Leigh établit entre acteurs et personnages et chacun des comédiens jusqu’ici cités évoque avec force et précision un être disparu il y a plus d’un siècle et demi. Cette évocation devient encore plus saisissante par la grâce d’une langue riche et vraisemblable, qui donne l’impression d’entendre parler les personnages de Dickens.


Quant à l’image numérique de Dick Pope, elle joue à merveille des affinités entre les paysages de Turner et ceux que Leigh a choisis sur les côtes et dans les campagnes anglaises, tout en utilisant les ressources des images de synthèse pour faire resurgir ce qui a disparu, comme l’estuaire de la Tamise au moment de la généralisation de la marine à vapeur.


Enfin, la musique gracieusement dissonante de Gary Yershon, parfaitement contemporaine, rappelle, aux moments où l’on se sent comme englouti dans un temps qui n’est pas le nôtre, que Mike Leigh est un cinéaste d’aujourd’hui et que, s’il nous montre Turner, c’est que cet homme-là nous importe toujours.

Le Monde / Par Thomas Sotinel

"Le peintre de la lumière"

Joseph Mallord William Turner, né en 1775 et mort en 1851, est l'un des plus célèbres peintres britanniques. On le surnomme le "peintre de la lumière", car il affectionnait particulièrement les jeux de lumière qu'il maîtrisait avec brio. Il est considéré comme l'un des précurseurs du courant impressionniste, et ses nombreux voyages lui offrirent l'inspiration qui fit naître ses plus belles oeuvres.

En compétition au Festival de Cannes 2014

Mr. Turner a concouru en compétition à Cannes 2014. Il s'agit du 5e film de Mike Leigh présenté au célèbre Festival. Le cinéaste avait auparavant remporté la Palme d'or en 1996 avec Secrets et mensonges.

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