Métamorphoses

Synopsis

Devant son lycée, une fille se fait aborder par un garçon très beau mais étrange. Elle se laisse séduire par ses histoires. Des histoires sensuelles et merveilleuses où les dieux tombent amoureux de jeunes mortels. Le garçon propose à la fille de le suivre..

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Critiques

"Ce cinéma-là ne se coule pas dans un moule et n'observe aucune recette connue. Il est libre, jeune et vivant."

 

Le Nouvel Observateur / Par Pascal Mérigeau

“Comment réaliser un film sans une histoire, mais avec plein d’histoires ?” semble se demander le film. Un désir qui était déjà présent dans Non ma fille, tu n’iras pas danser, puisque Christophe Honoré s’y autorisait déjà une digression sous forme de conte breton. Il y a, sous l’apparente versatilité d’Honoré, sa protéiformité de cinéaste (il se renouvelle de film en film), une cohérence parfaite, et donc rien d’étonnant à ce qu’il adapte l’œuvre encyclopédique et poétique d’Ovide – qui y recense, rappelons-le, l’histoire des hommes et des dieux jusqu’à sa propre époque, le Ier siècle après JC.

 

Jamais sans doute Christophe Honoré n’avait autant travaillé l’image qu’ici. Métamorphoses se situe ainsi, dans son paganisme et un bonheur évident à filmer la nature, dans la lignée de Jean Renoir sur son versant dionysiaque. Bien plus que dans celle de deux illustres adaptateurs au cinéma de la mythologie : Pier Paolo Pasolini (même si Honoré a recours, comme ce dernier, à des inconnus pour incarner des dieux) ou Jean Cocteau (plus théâtral). On pourrait aussi penser aux Straub, ou encore à la Nouvelle Vague, dans la filiation de laquelle certains ont reproché à Honoré de trop vouloir s’inscrire. Comme eux, il ancre ce rapport à la nature dans la contemporanéité – le film a été tourné dans les cités du sud de la France ou autour.

 

Souvent enchâssés les uns dans les autres (un flash-back dans un flash-back), les récits, pour la plupart très connus (Œdipe, Tirésias, Argus, Philémon et Baucis, etc.), se succèdent et se multiplient au fil de la pensée de son narrateur, l’un appelant le suivant, avec une grâce certaine et une incongruité qui rappellent le roman picaresque. Transposés aujourd’hui,

ces contes pourraient paraître ridicules (d’autant plus que le cinéaste n’hésite pas non plus à jouer sur l’humour de certaines situations ou de certains dialogues – Junon est désopilante, par exemple). C’est le premier miracle du film.

 

Avec une caméra qui semble sans cesse caresser ses acteurs (pour la majorité des non-professionnels), le réalisateur nous fait éprouver de la tendresse pour ces êtres qui sont pourtant moins des personnages que des entités avec quelques caractéristiques très délimitées, des rouages sans épaisseur psychologique dans l’économie du récit mythologique.

 

Cette légèreté des personnages (à laquelle contribue le jeune âge de la plupart des interprètes) participe du charme du film. Ce retour aux sources de notre inspiration européenne, des mythes gréco-romains qui irriguent notre culture et qui nous habitent inconsciemment, permet à Honoré de sortir son cinéma et le cinéma de ce “naturalisme” (entre guillemets, car le mot est utilisé à tort et à travers), cette imitation forcée et artificielle du naturel, souvent décriée par une partie de la critique actuelle. Il y a donc chez lui une volonté quasi politique ou en tout cas esthétique de renouveler le cinéma. Métamorphoses.

 

Car il y a autre chose de plus beau encore, et qui émerge dans ce magnifique dernier plan où Europe nage nue dans une rivière : les histoires, vraies ou fausses, embellissent la vie et le monde. Et le cinéma raconte lui aussi plein d’histoires. La métamorphose, c’est en effet un humain qui devient un arbre, ou une vache qui était une femme ou une nymphe. Ou un enfant qui devient un adulte. Mais c’est aussi un spectateur qui ressort un peu différent d’un film qu’il a vu. Les films nous changent. C’est la dernière et la plus belle des métamorphoses que propose ce film-manifeste de Christophe Honoré.

 

Les Inrockuptibles /  Par Jean-Baptiste Morain

 

 

Entretien avec le réalisateur

Pour son réalisateur, «Métamorphoses» se nourrit autant d’Ovide que du présent..

Ancien critique, écrivain, cinéaste ou encore metteur en scène de théâtre, Christophe Honoré signe à 44 ans son dixième long métrage avec Métamorphoses. Après avoir puisé chez Georges Bataille (Ma mère) ou Mme de La Fayette (la Belle Personne), il projette cette fois les récits mythiques d’Ovide dans le monde contemporain.

 

Comment avez-vous composé le fil de Métamorphoses à partir des quinze livres d’Ovide?

Je me suis intéressé aux allers-retours possibles entre ces textes de l’Antiquité et aujourd’hui, et ces histoires de dieux qui pourchassent des mortels par désir, des mortels qui finissent par changer de forme. Après, se posaient beaucoup de questions excitantes : à quoi allait ressembler Jupiter, comment garder Io dans le film sans que cela vire au documentaire sur les bovins… J’en suis venu à poursuivre une représentation aussi concrète, fluide et antispectaculaire que possible du merveilleux.

 

Métamorphoses développe autour de ce personnage d’Europe un feuilleté de discours au double-fond assez évident…

On ne peut pas être innocent, choisir à son film une héroïne qui porte ce nom et ne pas se poser la question de l’allégorie. Le film offre plusieurs lectures de la même manière que les mythes ont toujours un sens multiple. On peut voir cela comme une relecture de textes anciens plus ou moins connus mettant en scène des actions merveilleuses, ou alors se demander qui est cette jeune fille française d’origine maghrébine que l’on nomme Europe et pourquoi le film croit urgent de l’initier par la voix des dieux à une mémoire qui est la sienne et ainsi lui redire son passé mythologique et méditerranéen. Dans ce film, j’ai essayé de maintenir aussi vivant le plaisir de raconter les histoires d’Ovide que la problématique, essentielle, attachée à cette jeune fille du sud de la France à qui l’on répète sans cesse qu’elle ne fait pas partie de l’histoire de France mais d’un autre côté de la Méditerranée. Alors que mon récit est là pour lui démontrer que si.

 

Quelque chose de militant se joue jusque dans le choix des décors…

Ces lieux à la marge des centres urbains mais pas vraiment ruraux pour autant sont rarement visités par une caméra, ou alors seulement pour soi-disant en révéler la misère ou les difficultés. Dans ce choix, il y avait un désir de travailler sur la frontière. Ces endroits peuvent avoir une poétique de terrain vague un peu facile, mais offrent surtout d’immenses possibilités de fiction. Je voulais trouver à ce cadre une beauté qui ne soit ni idyllique ni attendue. Des lieux que l’on désigne facilement dans une posture un peu réactionnaire comme ceux qui enlaidiraient le territoire français, mais qui sont habités, traversés par des gens. Et la tension qu’ils présentent entre la nature et la ville les rend très vivants. Cela conférait souvent au tournage une atmosphère assez surréaliste, car ce sont des cadres de tournage compliqués, surtout quand il s’agit d’aller y poser des jeunes gens souvent très dévêtus au bord d’une voie rapide dont les automobilistes passent en se demandant ce qu’ils ont vu. Mais cela répond bien au projet : ressentir une révélation sans savoir ce que l’on a vu, c’est le propre de la rencontre avec le divin.

 

Le motif de la métamorphose traverse beaucoup de romans et de films ces derniers mois. Comment l’expliquez-vous ?

La métamorphose nous dit quelque chose de notre capacité à nous réinventer. Quand je travaillais sur le film, on ne pouvait échapper à tous ces discours rances autour du mariage pour tous qui martelaient qu’un homme est un homme, une femme est une femme, une famille est une famille… Avec cette volonté d’assener que les définitions sont immuables, et qu’une société incapable de reconnaître ces données permanentes serait une société en danger. Alors que l’on sent bien aujourd’hui que l’un des traits les plus exaltants de l’époque tient à ce que les définitions sont incertaines, et les «moi» de plus en plus multiples. Cela a toujours été le cas, il suffit de relire Proust, mais il est enfin possible aujourd’hui de revendiquer cette multiplicité. Et donc c’est certainement pour cela que cette idée fascine, même si le cinéma français est très à la traîne par rapport au cinéma américain qui creuse cette question depuis longtemps. Par ailleurs, la métamorphose est aussi au cœur d’une définition même de ce qu’est le cinéma. Dès que l’on se met à filmer quelque chose que je me refuse à appeler le réel - car la présence même de la caméra transforme tout en théâtre, en scène -, s’opère une transformation en des corps nouveaux.

 

Vous ne voyez donc pas dans cette récurrence un symptôme contemporain ?

Dans Alphaville, de Godard, Anna Karina lit Eluard, et dit : «Nous sommes en manque de métamorphoses.» Et c’est un sentiment partagé, je crois, par beaucoup d’époques, notamment la nôtre. On est en manque de l’espoir de changer. Ce n’est pas rien qu’un homme politique se fasse élire président sur le slogan «le changement, c’est maintenant», soit la promesse d’une métamorphose d’un peuple entier. Mon film arrive aussi après beaucoup d’autres ces derniers temps qui interrogent la question du divin, de Des hommes et des dieuxà Ida. Personnellement, j’aimais bien l’idée de placer cette problématique dans une fiction dont les dieux sont en apparence très parfaits, très respectables et en même temps qu’ils fassent les pires humains qui soient : cruels, violents, obsédés sexuels… Mais fascinants par leur pouvoir et parce qu’ils nous dominent.

 

Comme des hommes politiques…

Oui. C’est ce qui est captivant dans la mythologie grecque : les dieux y sont ces figures de surpuissance dont on craint un peu qu’elles puissent s’occuper de nous.

 

Libération / par JULIEN GESTER

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