Casse

Synopsis

Des hommes viennent du monde entier dénicher leur bonheur d'entre tous les vestiges d'une casse automobile. À travers cet océan d'épaves à ciel ouvert, le monde se monte, et se démonte à chaque rencontre...

Critiques

Un documentaire étonnant sur des hommes occupés à trifouiller dans un cimetière de voitures.

Dès le long travelling d’ouverture, il émane de Casse une forme de grâce mâtinée de tendre pudeur que, pour être franc, on n’imaginait guère transparaître dans un tel contexte : énoncé sans article, Casse investit en effet un univers généralement assez masculin, qui s’accorde pourtant ici au féminin à travers le regard de la jeune cinéaste Nadège Trebal. Un cimetière de voitures en libre service où, dans la morne froidure d’un no man’s land de banlieue - Athis-Mons, un autre monde à tant d’égards socio-économiques à 20 kilomètres de Paris par la route -, des quidams s’en viennent dépecer des carcasses, qui pour récupérer un rétroviseur ou un hayon, qui pour changer une poignée de portière, destinés, devine-t-on, à d’autres véhicules qu’on tentera de rafistoler, faute de mieux. «Une sorte de dédale découvert par hasard, précise la cinéaste, qui m’est apparu dès les premiers instants comme un précipité de beauté et de laideur, très pictural, avec ses découpes et ses transparences. Un univers propice à la rencontre également, mais plutôt dans le registre du flirt, à la fois intense et léger, sachant que celui-ci ne se consommerait, voire consumerait, qu’à travers le film.»

Commando. Travaillant sans effraction - inutile par conséquent d’extrapoler une lecture homonymique du titre -, bien qu’en mode commando avec juste un régisseur, deux opérateurs à l’image et un au son, en plus d’elle, Nadège Trebal a ainsi ostensiblement déballé son matériel (caméra sur pied, perche, micro HF) pour recueillir les tranches de vie de cette France d’en bas, occupée à chercher la bonne clé pour démonter un châssis. Des outils et des hommes, en somme, mais parsemés de confidences, comme de silences, pour dire la nostalgie, le doute, la fierté ou l’espoir.

 

D’une allée à l’autre, on s’attache de la sorte à Oumar ou Ali - mais aussi à ce groupe mutique et farouche de jeunes filmés en plan fixe tel un mini screen test warholien. Le premier, qui évoque sans misérabilisme aucun «le froid, la pluie et la peur» liés aux conditions dans lesquelles il est arrivé clandestinement en Europe par la mer (une véritable Odyssée de Pi, avec requins et dauphins). Le second, yeux plissés, bonnet vissé sur la tête, qui blague - «J’ai deux filles qui cassent les voitures et moi qui les répare» -, raconte son bonheur d’être grand-père ; mais aussi se remémore le lointain départ de Tunisie, «tellement content de venir en France pour faire une autre vie», avant de découvrir l’injustice sociale, décrite, là encore, avec bien plus de malice que d’acrimonie. «Lors de ces rencontres, précise la cinéaste, la première question venait souvent d’eux : "Qu’est-ce que vous voulez ?" Je leur répondais que je ne savais pas. Et le dialogue s’instaurait, ou pas, car j’ai également essuyé beaucoup de refus, notamment auprès des jeunes, qui se montraient plus méfiants, sur la défensive. A l’inverse, ce sont chez les personnes d’origine immigrée que j’ai trouvé le plus de confiance, de fantaisie, peut-être car ils estiment n’avoir rien à perdre.»

 

Fourmis. Voyant une métaphore de la condition humaine dans cette observation d’«acteurs du réel» aux parcours eux-mêmes souvent accidentés, accaparés à démonter des pièces pour les remonter ailleurs, Nadège Trebal confère ainsi à son microcosme lucide de fourmis accroupies, pliées en deux ou encastrées, une assez poignante dignité. Casse est le deuxième long métrage documentaire (après Bleu pétrole, sur le monde syndical, en 2012) de cette diplômée du pôle scénario de la Fémis, admiratrice de Chaplin, Pasolini, Fassbinder et Godard, qui a notamment déjà collaboré avec Claire Simon (Ça brûle et les Bureaux de Dieu). Sa prochaine étape, en cours d’écriture : la fiction, qui racontera «l’histoire d’un homme contraint de quitter son foyer pour chercher du travail, entre la France, la Belgique et l’Allemagne, avec, en suspens, la question suivante : comment peut-on continuer de s’accomplir quand on ne bosse, ni ne baise plus ? Une sorte d’épopée que j’aimerais avec ce côté à la fois jouissif et inconfortable du rodéo».

Première

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