Something must break

Synopsis

Sebastian/Ellie est une jeune femme transgenre qui assume pleinement son identité. Lorsqu'elle rencontre Andreas, elle en tombe amoureuse mais ce dernier, qui n'est pas gay, la considère comme une amie. Alors que leur relation s'intensifie, il commence à être de plus en plus troublé. S'engage alors une lutte interne vers l'acceptation de son amour pour Sebastian/Ellie. Mais elle n'est pas prête à l'attendre longtemps et est bien déterminée à tracer sa route seule si jamais Andreas ne se décide pas.

Critiques

..Des échappées vivifiantes viennent heureusement ­apporter mystère et magie : dans des paysages où nature et ville se mêlent, Ester Martin Bergsmark met en scène un nouveau romantisme, un amour réinventé. Something must break révèle alors un talent prometteur. Télérama - Frédéric Strauss



Tigre d’or au festival du film de Rotterdam

Le film s’ouvre sur un plan symbolique : un doigt vient se piquer sur des ronces, vus de près, sans profondeur de champ. Le choix esthétique est planté, comme est annoncé l’un des thèmes majeurs, la douleur, celle des personnages qui vont buter sur un monde dur et sur des sentiments difficiles à vivre, et celle du spectateur qui ne sera pas épargné par cet itinéraire brutal, sordide parfois. Mais Something must break, tout en ne déviant pas d’un programme esthétique, raconte aussi tout autre chose. On pourrait même, dans ce film court, trouver exagérément ambitieuses toutes les pistes ouvertes : film social, film politique, film d’amour, film « queer », film sur le sexe, sur la quête d’identité … La grande réussite, sans conteste, est de brasser tous ces aspects tout en ne quittant pas Sebastian, le héros, qui devient Ellie au terme de multiples séquences courtes, montées cut, caméra à l’épaule. En somme, le film se présente comme un puzzle dans lequel chacun puisera à son gré. Les multiples directions prises par la cinéastes sont rendues homogènes par ce parti-pris de ne pas quitter le personnage principal, à la manière de Rosetta des frères Dardenne.

C’est souvent une caractéristique des premiers films que de vouloir tout embrasser à la fois. Something must break n’y échappe pas. À travers cette déambulation, Ester Martin Bergsmark nous parle de notre monde et de l’impossibilité d’y vivre. Monde marchand dans lequel on « achète des merdes qui nous anesthésient » : la société de consommation, visée ici, apparaît dans les supermarchés, dans le travail du héros, et dans quelques phrases prononcées, qui renforcent l’opposition entre les deux amants ; là où Andreas voit du « bon matos », Sebastian ne voit que des « merdes ». De même en quelque plans le travail est montré comme une aliénation, une routine qui isole et désespère, comme est désespérante la solitude, l’impossibilité d’aimer. À cet égard les scènes avec Léa sont représentatives de cette vision d’un romantisme convenu qui bute sur la réalité.

C’est aussi la ville qui étouffe : en quelques rapides plans d’ensemble soutenus par une musique agressive, la cinéaste dévoile sans insister ce quotidien inhumain, bruyant, hostile. Il est dès lors significatif que les échappées poétiques soient situées en hauteur (colline, escaliers) ou en marge (voir la scène de baignade près d’une bouche d’égout). Vivre, aimer dans nos cités tient de la gageure ou de l’entêtement. Peut-être aussi notre monde meurt-il d’une absence de spiritualité : un plan inouï, en extrême ralenti évoque une piéta sacrilège dans laquelle un homme urine sur Sebastian. Plan saisissant, sombre et froid, sublimé par un orgue aux accents religieux, qui s’oppose à tous ceux, sensuels qui montrent la peau, les caresses, la douceur des étreintes entre les deux héros. Le choix du gros plan confère à ces passages un érotisme presque tactile.

Car enfin, le film parle surtout d’amour et de sexe. Sexe facile dans des rencontres sordides, dangereuses, mais surtout sexe comme don à l’être aimé. Les couleurs chaudes, la lumière qui nimbe les corps d’un côté, les tons bleus et les décors crasseux de l’autre. Mais cette opposition n’aboutit qu’à un triste constat:l’amour est impossible, ne reste que le sexe violent et anonyme. Malgré une fin optimiste et quelque peu convenue, la noirceur l’emporte. Comme le chantait Jean Ferrat, « personne ne peut plus simplement vivre ici ».

Ajoutons que le film tire sa réussite de la performance inouïe de l’acteur principal, jeune androgyne en quête perpétuelle, visage lisse dans cet environnement violent. C’est lui aussi qui met en valeur les échappées, véritables bouffées d’air dans un ensemble étouffant : la scène où il respire profondément, en hauteur, confère une véritable grâce à ce petit moment.

Il faut saluer l’audace d’un premier long-métrage de fiction qui emprunte des chemins peu balisés : Something must break se rattache au cinéma moderne par le refus de nombreux artifices (studio, éclairage ...), du scénario bétonné, de la psychologie comme explication. Malgré certains dialogues pesants, il serait dommage de négliger cette expérience cinématographique hors-normes.


aVoir-aLire.com

Triple casquette

Ester Martin Bergsmark a écrit le scénario, réalisé et monté son film Something Must Break.


C'est le premier long-métrage de fiction d'Ester Martin Bergsmark. Avant Something Must Break, la réalisatrice a réalisé plusieurs documentaires primés dans des festivals, comme Maggie in Wonderland (2008) et un fragment de Dirty diaries (film collectif).

Du papier à l'écran

Something must break est adapté du roman You are the roots that sleep beneath my feet and hold the earth in place, d'Evi Levén.

Dossier du presse en téléchargement

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Entretien avec Ester Martin Bergsmark

Ester Martin Bergsmark a remporté le Tigre d'or du meilleur film en début d'année au Festival de Rotterdam avec Something Must Break. Cette romance atypique venue de Suède arrive en salles le 10 décembre et c'est une véritable perle. Entretien avec une des révélations de l'année...

 

Comment est né Something Must Break ?


Tout est parti du roman de Eli Leven, Nånting måste gå sönder. La poésie de cette langue, le personnage étaient bouleversants. J’avais une image en tête que je ne pouvais enlever de mon esprit : un ralenti extrême de Sebastian se faisant tirer les cheveux, avec son visage qui va de la douleur au plaisir. Pour moi c’est un film sur ça, sur la douleur et le plaisir, et combien ils peuvent être proches l’un de l’autre.


Le personnage de Sebastian/Ellie est unique, c’est un personnage qu’on ne voit nulle part ailleurs. Y a-t-il une dimension politique à raconter une telle histoire ?


Oui bien sûr, c’est politique. Mais ce qui est important c’est que le personnage ne le soit pas. Dans le sens où le récit doit être raconté d’une perspective humaine. Et ça rend le propos encore plus politique.


Saga Becker illumine le film. Comment s’est déroulé le casting ?


C’est Saga qui est venu-e à moi. J’ai cherché parmi des acteurs et des non-acteurs, ça m’a pris deux ans. C’était déprimant. Et Saga a lu un article parlant de l’adaptation de ce livre au cinéma. Saga vivait dans une petite ville , a lu le livre le jour-même, a envoyé un email la nuit suivante : « Je suis Sebastian ». Avant de prévenir sa mère : « Je vais jouer ce rôle », avant même l’audition. C’est le destin ! Et c’était presque trop beau pour être vrai. Durant l’audition, j’ai testé ses limites. Avec un visage aussi beau et fort, une telle prestance, il suffit parfois de filmer Saga et tout devient magique.


Vous avez tourné des documentaires auparavant. Something Must Break se situe quelque part entre le pur réalisme et un romantisme total. Le film tire sa force de ce mélange.


Oui, tout à fait. C’est totalement ce que j’ai essayé de faire.


Quels choix fait-on pour traduire à l’image ce double aspect ?


Pour moi le réalisme est déjà une forme de fiction. C’est une approche qui domine le cinéma en Europe du nord. Je voulais pousser cela vers le mélo romantique, qui est parfois plus fidèle à la façon dont nos yeux voient le monde. Sebastian et Andreas sont des personnages romantiques. Je voulais faire un film d’amour avec des personnages qui désirent vivre dans un film d’amour. Mais le réalisme impose quelque chose de différent, comme les choses très concrètes liées au corps. Mais parfois, ils peuvent être dans ce film d’amour et cette rêverie.


Les scènes de sexe sont très belles et assez atypiques.


Il y a différentes scènes de sexe. Ma préférée est la première entre les deux personnages principaux. Il y a une nudité émotionnelle, une innocence. Je voulais faire le film d’amour auquel je croyais. Avec des personnages qui tombent amoureux en même temps qu’ils font l’expérience de leur propre corps. Je voulais qu’on puisse sentir ces corps, les respirer. On savait ce qu’on voulait, quelles étaient les limites. Je laissais mes acteurs sur le sofa en leur chuchotant choses. C’était fun.


Pouvez-vous nous parler de l’importance de la musique ?


Durant l’écriture, on était accompagné par des chansons sur une playlist. Je voulais des chansons pour le film, c’est la playlist de ces deux amoureux. La musique fait partie du script lui-même. J’ai pensé à The Knife, Houwaida, ou à Tami Tamika – c’est comme si sa chanson I Never Loved This Hard This Fast Before avait été écrite pour le film. Ce sont des paroles à la fois pathétiques, explicites, mais vraies et authentiques. Comme le film. Et c’était primordial d’être fidèle à ce personnage adolescent qui saigne.


Le titre international de Something Must Break est aussi celui d’une chanson de Joy Division. Pouvez-vous nous parler de ce choix ?


En fait cela vient d’une phrase suédoise, qui traduite est le même que Joy Division. Ça parle de la destruction en même temps que de la vie, de vivre la vie pleinement.


Sebastian/Ellie n’a pas une identité de genre fixe et définie. Si ce n’est pas trop indiscret, dans quelle mesure vous identifiez-vous à ce personnages ?


A ce jour, je ne sais pas. Je ne peux pas y répondre maintenant.


Comment se construit-on hors du système binaire homme-femme en Suède ?


Il y a quelque chose de très rationnel : les gens sont obsédés par ce système. Les genres dans ce qu’ils ont de plus commun. J’ai reçu un email de l'Académie suédoise, me demandant dans quelle catégorie mettre Saga Becker: acteur ou actrice. J’ai répondu : les deux.


Comment le film a t-il été reçu en Suède ?


Il y a eu de bonnes critiques mais aussi des gens qui n'ont pas compris le film. Lors de la sortie danoise, l'accueil a été beaucoup plus chaleureux. Je pense que la Suède est coincée sur certains aspects. Pour moi Something Must Break est une histoire d'amour pure et honnête, certains ont pensé que c’était plus extrême que ce que j’avais imaginé. Je leur donne quelques années avant d’aimer le film !


On a pu voir apparaître pas mal de nouveaux réalisateurs venus de Suède ces derniers temps comme Axel Petersen (Avalon), Anna Odell (The Reunion), Lisa Aschan (Voltiges) ou Ruben Östlund (Force majeure, Play). Avez-vous le sentiment que quelque chose de neuf se passe en Suède ?


Je ne pensais pas qu’il y avait des gens hors de Suède qui s’intéressaient à ça ! En fait on ne se connait pas tellement entre nous. C'est, je dirais, plus dur de faire des films en Suède aujourd’hui. L’État donne moins d'argent qu'auparavant, et celui-ci va davantage aux blockbusters. C'est difficile de financer un autre cinéma. Mais j'espère que ce renouveau de réalisateurs va continuer.


Quels sont à vos yeux les films qui retranscrivent le mieux et le plus finement des personnages transgenres au cinéma ?


Je n'en ai pas vu tant que ça. A part le mien. Alors voilà le meilleur ! (rires)


Quels sont vos projets ?


J'ai fini mon premier clip. Je n'ai jamais fait de court métrage auparavant, alors je vais expérimenter. Et je continue d’écrire, je travaille sur deux films et une série télé.


Entretien réalisé le 22 octobre 2014. Un grand merci à Matthieu Rey.

FilmdeCulte.com

 

Video entretien avec Ester Martin Bergsmark         (en anglais)

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