White Shadow

Synopsis

Alias, un jeune albinos tanzanien, se réfugie chez son oncle, Kosmos, chauffeur de camion, après avoir été témoin du meurtre barbare de son père. Alias apprend vite les lois de la ville. Il vend des lunettes de soleil, des dvd et des portables. Il est proche d'Antoinette, la fille de Kosmos, au grand dam de celui-ci. Il va aussi vite être remarqué pour la couleur de sa peau...

Critiques

Un film météorite autour d’un marché macabre


Film trip réalisé du point de vue d’un enfant albinos traqué à mort par les sorciers africains, White Shadow déboule en France comme une météorite, une forme bouillonnante, éclatée par la puissance du cri cauchemardesque qui l’a fait naître, tendu à bloc par l’urgence de son propos et l’économie dans laquelle il a été produit. Malgré ces signes, qui devraient le rattacher à un registre minoritaire, le film arrive en France avec un pedigree de jet-setter. Récompensé par le prix du meilleur premier film à Venise en 2013, sensation du festival américain de cinéma indépendant de Sundance en 2014, il fut salué en des termes très élogieux, à en croire le dossier de presse, par Francis Ford Coppola, rien de moins. Ce paradoxe apparent donnait envie de rencontrer son auteur, Noaz Deshe, en espérant qu’il aide à le décrypter.

En matière de paradoxe, l’homme se pose là. Inconnu au bataillon en France, cet homme de 39 ans, né à Jaffa en Israël, basé à Berlin d’où il rayonne, se déclare « sans Etat fixe ». « L’identité nationale est un sujet glissant, trouble, qui a conduit à toutes sortes de dérives », affirme-t-il, plantant deux yeux bleu glacé dans les vôtres pour clore le débat.

Musicien et peintre de formation, vidéaste à ses heures, il est venu au cinéma comme cameraman et navigue aujourd’hui entre les arts, sans faire de hiérarchie. « C’est l’idée qui compte. Elle te dicte...(..)

Le Monde


Les pérégrinations pleines de furie d’un jeune albinos tanzanien persécuté dans son pays. Puissant.


Des films sur la différence, sur le fossé entre soi et les autres, il en existe des milliers, mais combien d’entre eux font de ce fossé un abîme aussi vertigineux que White Shadow ? Car ici la différence ne pourrait pas être plus nette (du blanc au noir, tout bonnement), et 
elle sème la mort.


On y suit le jeune Alias, tanzanien et albinos, qui de par sa maladie s’expose à une terrifiante tradition
de sorcellerie faisant de lui un paria et conférant à ses bras, ses jambes, ses organes des propriétés médicinales rares – croyance très lucrative, puisque son seul cœur s’échangerait pour 5 000 dollars sur le marché clandestin. On croirait entendre le pitch d’un slasher exotique, d’une mixture de thriller gore et de world cinema, pourtant la trame de White Shadow s’inspire d’une situation bien réelle (71 morts recensés en Tanzanie entre 2006 et 2013).


Noaz Deshe, qui n’est pas du coin et a découvert la persécution rituelle des albinos à l’occasion d’un voyage professionnel, a des prédécesseurs dans la reconstitution filmée d’une Afrique sanglante et barbare (notamment 
au Rwanda). Mais il se démarque d’eux en prenant contact avec cette réalité par le biais d’un cinéma halluciné, comme possédé par le démon. Son film plonge viscéralement dans les scènes les plus violentes (il s’ouvre même sur l’une d’entre elles, avec un meurtre de nuit à la machette) et fait baigner le sang, la fuite et la survie dans le même défilement cauchemardesque d’images.


Car tout autant qu’il documente les horreurs de l’occultisme, White Shadow fait corps avec elles. On y voit beaucoup de chair : chair des hommes qui s’entretuent, chair des bêtes qui accompagnent les humains dans une grande chaîne d’abattage rituel, d’ésotérisme sauvage – où d’une poule noire qu’Alias vide de ses entrailles lors d’un rite spirituel 
à un cœur d’albinos brandi par un sorcier, un même fleuve de sang semble couler.


Et quand le corps véritablement fascinant de ce jeune garçon (qui s’ajoute à un certain albino power en pleine ascension, avec notamment le mannequin Shaun Ross) court pour échapper à la mort, c’est bien la question de la différence qui universalise le film de Noaz Deshe, l’élargit jusqu’à nous. Comme si l’albinisme d’Alias pouvait valoir comme métaphore absolue, incarner totalement 
la condition des intouchables. C’est cet élargissement qui rend White Shadow réellement dévastateur : on n’avait encore jamais dû, pour s’extirper de sa différence, faire à ce point brûler la rage et la folie.

Les Inrockuptibles

Sanguinaire traque d’un adolescent albinos dans une Tanzanie mystique et désespérée.


L’une des premières scènes de White Shadow est d’une violence inouïe. Filmée de nuit, c’est une cacophonie de hurlements et de gémissements, de visages terrifiés et de mouvements violents. On n’y comprend rien et d’ailleurs, c’est incompréhensible. Au fil des scènes, on comprendra que cette horreur de plusieurs minutes était l’assassinat d’un homme albinos par un groupe de tueurs qui voulaient récupérer ses organes. En Tanzanie, la sorcellerie est courante et les organes de ceux qui, génétiquement, n’ont pas de mélanine sont très prisés. Une main d’albinos installée dans une boutique permet de favoriser le commerce, dans une chambre, elle facilite l’érection.

Exilé.White Shadow est la première fiction de Noaz Deshe, chef opérateur et documentariste israélien installé à Berlin. Dans le dossier de presse du film, il confie avoir appris l’existence de la chasse aux albinos en Afrique de l’Est en s’apprêtant à venir enseigner à Dar-es-Salaam : «Je ne sais pas encore comment expliquer, mais disons que ce fut un choc, j’ai ressenti ça comme un besoin impérieux. Il fallait que j’y aille immédiatement. L’urgence et la nécessité ont imposé les règles.» Il invente donc le personnage d’Alias, adolescent albinos, fils de l’assassiné de la séquence d’ouverture, dont la non-couleur de peau met la tête à prix. Dans le rôle, Hamisi Bazili, acteur non professionnel incroyable de présence et de mines renfrognées.


Orphelin de père, Alias quitte sa cambrousse et part en ville, recueilli par son oncle qui le fait travailler. Il vend, sans grand succès, des lunettes de soleil et des gadgets aux automobilistes. Les autres vendeurs le pourchassent, le traitent de «peau de cochon». Dans la métropole, la solitude d’Alias le paria se déploie encore davantage. Il est incapable de nouer des liens avec les autres, se contente de rêver de filles.


De cet environnement complètement ravagé, de cette histoire abominable de chasse au petit homme, Noaz Deshe signe une œuvre touffue, ardue, impressionnante, parfois déconcertante, à la frontière entre cinéma et art contemporain. La caméra vient se nicher à quelques centimètres derrière le visage d’Alias, l’accompagne dans sa course effrénée pour sa survie, pour échapper aux monstres qui veulent le démembrer. Dans un plan suivant, elle s’éloigne, filme cette Tanzanie misérable, la magie qui croise la déglingue. Comme une scène où Alias est embauché pour «pleurer» dans un cortège funéraire. Il y a là quelque chose de l’ethnofiction de Jean Rouch.


Chaos. Visuellement, White Shadow est explosé comme la trajectoire de son héros. Et c’est sur ce chaos d’images que naissent des moments de grâce, le gamin jouant à appeler une copine imaginaire avec un téléphone cassé trouvé dans une décharge, ou encore s’enfuyant sur une route désertique et dansant dans sa course avec des nuages blancs.


La fiction permet à Alias de se sauver. En réalité, la situation des albinos s’empire en Tanzanie. Dimanche, la presse rapportait qu’un enfant de 6 ans s’était fait couper la main afin de la revendre - un corps entier se négociant autour de 75 000 dollars.

Libération / par Clément GHYS 

Dossier de presse en téléchargement

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