Boyhood

Synopsis

Chaque année, durant 12 ans, le réalisateur Richard Linklater a réuni les mêmes comédiens pour un film unique sur la famille et le temps qui passe. On y suit le jeune Mason de l'âge de six ans jusqu'à sa majorité, vivant avec sa soeur et sa mère, séparée de son père. Les déménagements, les amis, les rentrées des classes, les premiers émois, les petits riens et les grandes décisions qui rythment sa jeunesse et le préparent à devenir adulte...

Critiques et infos

Un projet ... sur le long terme.

 

Boyhood a été tourné sur une période de douze ans, avec la même distribution et la même équipe technique. Une expérience visant à suivre l'évolution des personnages et maintenir une certaine constance scénaristique. Les enregistrements, qui ont débuté à l'été 2002, ont pris fin courant 2013. Au début du tournage, Ellar Coltrane, le jeune protagoniste du film,  était âgé de six ans. A la fin, il en avait dix-huit.

 

Il a fortement contribué à l’écriture de son personnage. Linklater explique lui avoir confié à maintes reprises des "devoirs de maisons", lui demandant de lui rédiger des essais, portant par exemple sur ses premiers émois amoureux. Le jeune acteur et son personnage ont aussi de nombreux points communs : des parents séparés, une passion de l’art et la photographie... D’ailleurs, la fresque accrochée au mur de la chambre de Mason a été réalisée par Ellar Coltrane en personne. Il précise : "Chaque année, lorsqu’on se retrouvait, Richard me demandait où j’en étais et il adaptait le personnage selon ma propre progression. Ma vie et celle de Mason se confondaient, je me suis investi avec bonheur dans la création du personnage. (...) Grâce au film, j’ai compris beaucoup de choses, surtout sur la relation avec ma mère, qui, comme celle de Mason, est assez complexe". Pour Linklater, le jeune acteur était son « collaborateur artistique » sur le film.

 

Afin de maintenir une régularité dans la réalisation, notamment au niveau des images, Linklater a privilégié le format 35 mm, qu'il a utilisé pendant toutes les années de tournage : "Je voulais conserver une certaine unité, même si les personnages et les époques changent au fur et à mesure des années", affirme-t-il. Mais ledit format étant en voie de disparation avec l'avancée du numérique, il était de plus en plus difficile d'entretenir le rythme et la qualité des enregistrements. Le réalisateur est tout de même parvenu "à conserver cohérence et homogénéité".

 

 

« Boyhood » : grandir et vieillir, en vrai et au cinéma

 

LE MONDE | 21.07.2014 à 19h52 • Mis à jour le 25.07.2014 à 14h29 |

 

Par Sandrine Marques

 

Jamais le mot « chronique » ne s'était si bien accordé qu'à l'ambitieux projet développé, sur douze années, par le réalisateur américain Richard Linklater. Fidèle à son principe constitutif – suivre une famille texane pendant plus d'une décennie –, le film enregistre des moments de vie, selon un ordre chronologique que seuls déterminent les corps et les ritournelles pop disséminées au gré de la bande originale.

 

En dehors du vieillissement réel des acteurs (réquisitionnés chaque été pour quelques prises, étalées au fil des ans) et de ces balises musicales signées Arcade Fire ou Coldplay, le réalisateur n'a pas tenu à marquer les différentes époques où se situe son action. De sorte que, dans Boyhood, le temps n'est pas seulement un agent dramatique. C'est aussi une essence mystérieuse et magique, à l'origine de toutes les transformations visibles. Il donne à ce récit fleuve sa fragile et enchanteresse matière.

 

ENTRE DOCUMENTAIRE ET FICTION

 

Plus qu'un film, Boyhood est un acte de foi vertigineux. Richard Linklater avait déjà prouvé par le passé son goût pour l'expérimentation. De l'animation rotoscopique utilisée dans son essai philosophique Waking Life et réinvestie cinq années plus tard dans l'invasif A Scanner Darkly, la ferveur conceptuelle du réalisateur s'est aussi exprimée dans sa volonté de rendre poreuse la frontière entre documentaire et fiction. C'était le cas dans Bernie (inédit à ce jour) où les vrais témoins d'un fait divers crapuleux survenu au Texas rejouaient le drame aux côtés des acteurs professionnels Jack Black et Shirley MacLaine.

 

Mais ce défi au temps et le pari insensé sur lesquels se fonde Boyhood ne sont pas isolés dans la filmographie de cet auteur atypique de 53 ans, capable d'évoluer entre productions expérimentales et films populaires (Rock Academy). A cet égard, le triptyque Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight, qu'il tourna entre 1995 et 2013, soit sur dix-huit années et avec le même couple d'acteurs (Julie Delpy et Ethan Hawke), témoignait déjà de son beau souci pour la matière temporelle et ses contingences.

 

L'ESSENCE DU CINÉMA : LE TEMPS

 

Boyhood, saga familiale lumineuse, dépouillée de toute once de dramatisation hollywoodienne, reconduit plus que jamais la croyance de Richard Linklater en ce qui fait l'essence même du cinéma : le temps. Et, avec lui, ses sinuosités métaphysiques, mais aussi son inscription charnelle dans le cours des existences.

 

C'est ainsi que trois heures durant ou presque, nous partageons la vie de Mason (Ellar Coltrane). Des jeux d'enfants avec sa soeur, Samantha (interprétée par Lorelei Linklater, la fille du réalisateur), jusqu'à sa majorité, c'est en direct que nous le verrons grandir et arriver au seuil de l'âge adulte.

 

Quand le film commence, Olivia, la mère (magnifique Patricia Arquette), est fraîchement séparée de leur géniteur (Ethan Hawke). Elle décide de reprendre ses études, pour décrocher un meilleur travail. Les enfants s'apprêtent, quant à eux, à quitter leurs camarades de classe, à cause d'un déménagement prochain. Ce sera la première d'une longue série de ruptures. Olivia va refaire sa vie, enchaîner les mariages malheureux, déménager encore avec ses enfants. Mason fera, en parallèle, un difficile apprentissage amoureux.

 

« TOUT COULE, RIEN NE DEMEURE »

 

Richard Linklater ne force jamais le trait du drame. Il est contenu dans les inévitables renoncements qui accompagnent les choix des personnages. Il est d'ailleurs beaucoup question de responsabilité dans le film. Par ricochet, c'est aussi celle d'un pays.

 

A travers le quotidien de cette famille ordinaire s'écrit une histoire de l'Amérique. De 2002, où a commencé le tournage, jusqu'à nos jours, la crise s'est installée aux Etats-Unis, la guerre en Irak a fauché des vies, Obama a été élu président par deux fois. Ardent supporteur de sa campagne, le père de Mason installe des pancartes à son effigie dans un voisinage manifestement acquis aux républicains. Des années plus tard, ironie du sort, il sera remarié à une traditionaliste, dont la famille est une pure émanation de la Bible Belt. Olivia, quant à elle, suivra le chemin de l'émancipation qu'elle avait esquissé en début de film.

 

Ce que capte Richard Linklater avec une grâce infinie, c'est le mouvement même de la vie qui s'ajuste à l'axiome d'Héraclite : « Tout coule, rien ne demeure. » Rarement il est donné au cinéma d'éprouver le temps d'aussi belle manière. Ce mélange diffus de vitalité et de mélancolie fait de Boyhood un miracle.

 

 

 

 

 

 

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