La French

Synopsis

Marseille. 1975. Pierre Michel, jeune magistrat, venu de Metz avec femme et enfants, vient d'être nommé juge du grand banditisme. Il s'est juré de s'attaquer à la French Connection et de faire tomber coûte que coûte le parrain de la côte, Gaétan Zampa.

Critiques

"La French" avec Dujardin : une bonne surprise qui relève le niveau du néo-polar français

Vincent Malausa - Le Nouvel Observateur


1. Un sujet en or

La grande époque de la mafia marseillaise est un sujet en or qui a donné à William Friedkin son premier chef-d'œuvre ("French connection", 1971).

 

On pouvait redouter que le cinéma français y puise un énième polar en carton dans la lignée des atrocités d'Olivier Marchal, ce qui n'est pas le cas : adaptant avec plus ou moins de vraisemblance la traque du caïd Zampa par un juge zêlé, Jimenez réalise une œuvre dont le souffle romanesque, sans pompe excessive, relève largement le niveau lamentable du néo-polar français.

Cela est dû en partie à la qualité de l'écriture du film, qui repose moins sur de grands morceaux de bravoure que sur la mise en tension du duel à distance que se livrent les deux personnages incarnés par Dujardin et Lellouche. 

Sans forcer, "La French" déploie le potentiel de son sujet avec une efficacité inattendue.

 

2. Modestie et style

S'il puise allègrement dans le scénario de "Heat" (notamment avec ses passages entre action et tragédie domestique), le film n'en reste pas moins profondément ancré dans son cadre marseillais.

 

Sur ce plan, Cédric Jimenez évite le pire : la reconstitution des années 70, toujours périlleuse par son côté vieillot, donne un cachet intéressant au film et n'empêche pas d'atteindre un réalisme parfois remarquable (toutes les scènes de filature, jusqu'à la découverte du laboratoire de confection d'héroïne). 

Fuyant le naturalisme patraque qui gangrène le polar français d'auteur (façon Cédric Anger), le cinéaste ne sombre pas pour autant dans la stylisation grotesque des productions Europacorp. "La French" reprend modestement des effets inventés par Michael Mann (effets de suspension, musique planante, caméra portée dans les scènes d'action) comme le font nombre de petites séries B hollywoodiennes artisanales.
 
3. Le recyclage positif des "néo-beaufs"

La peur que pouvait inspirer le film venait principalement de son casting.

 

L'idée de rassembler Dujardin et Lellouche pour rejouer le duel mythique entre Pacino et de Niro dans "Heat" était aussi excitante que d'imaginer Kev Adams et Booder à l'affiche d'un remake du "Corniaud" réalisé par Daniel Vigne ou Olivier Mégaton. 

L'esprit de clique symbolisé aujourd'hui par les deux acteurs nous a valu jusqu'ici une espèce d'écœurante biographie de classe en direct live du Montana, un journal intime de la vulgarité ambiante qui domine actuellement la production française la plus aisée.

Heureusement, Dujardin et Lellouche sont moins irritants quand ils jouent au gendarme et au voleur que lorsqu'ils étalent leurs fantasmes de petits beaufs arrogants dans des comédies infectes. C'est l'un des gros points forts de "Le French". 

 

 4. Dujardin enfin bon dans un rôle sérieux 

On sait la capacité de Jean Dujardin à exceller dans un comique qui n'appartient qu'à lui. Mais dès qu'il s'attaque à un rôle sérieux, l'acteur devient subitement un petit élève extrêmement  laborieux.

 

"La French" s'épargne une potentielle catastrophe en laissant courir, sous le drame, une légèreté qui permet à Dujardin (mais aussi à une galerie de seconds couteaux très drôles) de rester sur le fil du second degré.

En premier lieu, le personnage du juge Michel n'a rien d'un cador ou d'un action hero, c'est un petit juge raidi dans ses idéaux et un père de famille tranquille gérant la plupart des situations à distance : tout cela permet à Dujardin de ne pas pousser plus qu'il ne faut le zèle du rôle sérieux et de se contenter de jouer sans forcer les héros du quotidien.

 

5. Une belle surprise

Efficacement réalisé, bien écrit, pas pompeux pour un sou, "La French" n'est pas le polar de l'année mais s'inscrit dans un courant mal exploité de la production française : celui d'un cinéma de genre évitant autant les prétentions d'auteur que le cynisme industriel pour parvenir à une forme de divertissement efficace et parfaitement équilibré.

Cette impression de "travail bien fait", pour prosaïque et dégagée de toute ambition artistique qu'elle soit, demeure suffisamment rare pour que l'on ne passe pas à côté de ce polar éminemment sympathique.

 

Un film "a hauteur d'homme"

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