Gente de bien

Synopsis

Bogotá, aujourd'hui. Eric, 10 ans, se retrouve du jour au lendemain avec Ariel, son père qu'il connaît à peine. L'homme a du mal à construire une relation avec son fils et à se maintenir à flot. Maria Isabel, la femme pour laquelle Ariel travaille en tant que menuisier, décide de l'aider et prend l'enfant sous son aile. Sans prendre la mesure des conséquences de ses actes.

Critiques

Les rapports entre ces personnages que les circonstances contraignent à cohabiter sont passés au crible par un cinéaste qui mêle intelligemment étude de mœurs et conte moral. On sort de la projection avec l'impression d'avoir assisté à une belle démonstration de lutte des classes tout en ayant débusqué un nouveau talent.

20Minutes



Subtil conte social où des bourgeois recueillent un père et son fils.

«Gente de Bien», qu’est-ce que cela veut dire ? En espagnol, «des gens qui font le bien» mais aussi «des gens qui ont du bien». Est-ce que ça en fait des «gens bien» ? Pas sûr. C’est autour de cette ambiguïté, de ce jeu de mots, qui n’a rien de drôle, que s’articule le premier film, très réussi, de Franco Lolli, réalisateur colombien de 31 ans passé par la Fémis à Paris, sélectionné à la Semaine de la critique à Cannes en mai 2014.

Meubles. A Bogotá, Eric est un enfant de 10 ans, buté et timide, dont la mère ne peut plus s’occuper de lui. Elle le confie à Gabriel, son père, qu’il connaît à peine. Gabriel vivote dans un minuscule appartement et vend sa main-d’œuvre, au noir et au jour le jour. Le petit s’installe chez ce père inconnu, avec sa chienne, une boule de poils blancs nommée Lupe. Lolli filme d’abord la relation naissante entre Gabriel et Eric, dérangée par l’incompréhension mutuelle et la découverte commune. Et puis le film prend une autre dimension, plus ambitieuse, celle d’un conte social : Eric accompagne son père dans une famille riche qui l’embauche pour fabriquer des meubles. La mère, Maria Isabel, est une prof d’université, lettrée, ouverte, friquée et généreuse. Face à l’enfant, elle va tout essayer pour faire «le bien». Et c’est dans cet autre récit, qui fait mine de se superposer à celui de la filiation troublée (alors même qu’il l’enrichit) que Gente de Bien trouve sa force.


La subtilité avec laquelle Lolli pose sa caméra sur ses personnages n’est jamais synonyme de mièvrerie. Au contraire, elle laisse le champ très libre à la violence diffuse des rapports sociaux. Gente de Bien est fait de moments à la forme presque documentaire et en apparence très simple, mais qui ont tout du cas pratique d’une sociologie critique (allô Pierre Bourdieu ?).


Gabriel et Eric, transplantés dans le luxueux appartement de Maria Isabel, se retrouvent confrontés à un monde qui se veut accueillant mais qui n’est que le miroir brutal de leur propre pauvreté. Il y a cette scène où Eric se voit offrir les habits, manteaux et baskets à peine portés par un gosse de son âge présent dans la pièce. Ou encore une autre où le petit, entouré d’une poignée d’enfants et d’adolescents, est le témoin muet d’une interminable conversation au cours de laquelle tous évoquent leurs prochaines vacances. L’une va dans la résidence secondaire, et s’en lamente ; un autre part rendre visite aux cousins à Sydney, mais se plaint du voyage de vingt-quatre heures qui le fait transiter par Los Angeles.


Du simple constat d’un décalage social, le film en fait la matière à une fiction morale quand Maria Isabel, attendrie et voulant «bien faire», invite Gabriel et Eric à passer les fêtes de Noël dans leur maison de campagne. Le déplacement est alors encore plus violent. Le père et le fils sont logés dans une baraque au fond du jardin de la luxueuse villa. Il y a là quelque chose de la Règle du jeu, de Jean Renoir, qui se serait brouillée dans le tout-venant contemporain de la bonne conscience, porté par une bourgeoisie lettrée. Eric passe ses journées dans la gigantesque piscine de la propriété. Il joue avec des gamins pourris gâtés qui, violents et affûtés en termes de rapports de classe comme le sont tous les gosses, l’acceptent puis le méprisent, l’isolent ou se battent avec lui. Dans le dossier de presse du film, Franco Lolli écrit : «L’histoire est née de mes souvenirs d’enfance. […] J’ai eu une courte amitié avec le fils d’un humble charpentier que ma mère engageait souvent pour qu’il répare quelques meubles de la maison. […] Le temps d’un été, le fils du charpentier a passé toutes ses journées chez moi, et nous sommes devenus amis. Mais avec mon retour à l’école et à mes amis riches, est aussi revenue la réalité : notre lien n’allait pas durer.»


Impossibilité. Film centré autour de la relation père-fils, Gente de Bien prend le personnage de Maria Isabel comme un bain révélateur. Interprété par Alejandra Borrero, star en Colombie, il est complexe et singulier, échappe à toute sorte de jugement hâtif. Maria Isabel tente d’adopter Eric, au grand dam de sa propre famille, et le gosse, ballotté entre parents biologiques ou de substitution, lumpenprolétariat et haute bourgeoisie, se rebelle. Le constat est amer et noir, Gente de Bien met en scène l’impossibilité de toute bonne action, démontre l’étanchéité absolue des groupes sociaux, chacun des gestes de Maria Isabel n’étant qu’un coup de projecteur vers ce que Gabriel et son fils ne pourront jamais obtenir.


Libération / Par Clément GHYS



Dans une rue de Bogotá, Eric, 10 ans, quitte sa mère, qui le confie à son père, pratiquement un inconnu. Peu de mots sont échangés, mais le regard de l'enfant, triste et désorienté, puis boudeur et rancunier, est de ceux qui scellent une belle alliance avec la caméra. Comme dans Les Quatre Cents Coups (1959), de Truffaut. La référence n'est pas écrasante pour ce premier film, réalisé avec beaucoup de sensibilité par un jeune cinéaste né en Colombie et formé en France, à la Femis.


Avec son petit Eric, qui se donne des airs de dur et pourrait vraiment devenir un voyou, Franco Lolli se place du côté de l'enfance pour regarder le monde des adultes. Chez le père, dans la dèche, tout est trop petit, misérable. Eric l'accompagne chez une grande bourgeoise, Maria Isabel, pour qui il fait des travaux de bricolage. Et là, tout est grand, beau, bien trop. Comme dans la villa où la famille de Maria Isabel se réunit à Noël. Autour de la table, on dit des neuvaines : « Soutien du faible, secours du malheureux, consolation de l'affligé. » Faire le bien, en soutenant le malheureux Eric, n'est pourtant pas simple...


La peinture sociale est forte, con­frontant avec franchise le monde des pauvres à celui des riches. De même, le thème chrétien de la charité est abordé sous un angle critique, inattendu. Mais, tout en affirmant un regard mature, Franco Lolli garde un rapport affectif avec ses personnages. C'est leurs blessures secrètes qu'il raconte. Leur besoin d'un lien, leur pudeur à dire leur amour ou leur besoin d'amour. Des sentiments forts, cruciaux, qui donnent à ce film dépouillé et discret une résonance impressionnante.

Télérama / Par Frédéric Strauss

Dossier de presse en téléchargement

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Premier film

Après deux courts-métrages, Como todo el mundo et Rodri, le réalisateur colombien Franco Lolli, diplômé de la Fémis au Département réalisation en 2007, signe son premier long-métrage avec Gente de bien.

Notes du réalisateur

"Un conte moral, une chronique intimiste, une tragédie" : voilà comment Franco Lolli décrit l'ambiance de son premier long-métrage. Le réalisteur colombien, qui connaît bien le quotidien de Bogotá, sa ville natale, a voulu porter à l'écran le clivage entre les différentes classes sociales qui règnent en Colombie et leurs rapports parfois plus proches d'une "charité peu sincère ou irresponsable" que d'un échange authentique et spontané.

Un bond dans le passé

Gente de Bien est tiré de la vie de Franco Lolli, et plus précisemment de son enfance. Jusqu'ici, le metteur en scène n'avait traité "que" de sa vie d'adulte et de son adolescence. Ici, il fait une sorte d'introspection pour tenter de guérir de l'absence de son père. Il précise : "Ça doit venir de ma propre expérience : j’ai grandi seul avec ma mère, connu des périodes très dures financièrement, tout en appartenant à un milieu colombien riche. Tout ça s’est mélangé pour aboutir aux thèmes récurrents de mes courts-métrages puis de Gente de bien."

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