Youth

Synopsis

Fred et Mick, deux vieux amis approchant les 80 ans, profitent de leurs vacances dans un bel hôtel au pied des Alpes. Fred, compositeur et chef d'orchestre désormais à la retraite, n'a aucune intention de revenir à la carrière musicale qu'il a abandonnée depuis longtemps, tandis que Mick, réalisateur, travaille toujours, s'empressant de terminer le scénario de son dernier film. Les deux amis savent que le temps leur est compté et décident de faire face à leur avenir ensemble.

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Critiques

Deux octogénaires. L'un, Fred, le chef d'orchestre (Michael Caine), est à la retraite. L'autre, Mick, le cinéaste (Harvey Keitel), pas. Le premier ne fait que refuser à l'émissaire stressé de Sa Majesté Elizabeth de diriger une composition dont semble raffoler le prince Philip. Le second prépare, avec des scénaristes dévoués, mais en panne, son film testament, qu'il compte tourner avec sa star aux deux oscars, qu'il a révélée, jadis. Ils se connaissent depuis des lustres, se retrouvent souvent dans cet hôtel de luxe au pied des Alpes suisses, dont ­Paolo Sorrentino fait, à la manière de Fellini, son maître, le symbole d'une ­société finissante, à la Satyricon.

Dans La Grande Bellezza, son film précédent — son chef-d'oeuvre pour l'instant —, des mondains dansaient sur un volcan, comme des pantins sous électrochocs. Ici, ils sont au repos, en attente, presque sans défense. Un jeune acteur hollywoodien (Paul Dano), fan de Novalis et malheureux de devoir sa célébrité à un rôle de robot qu'il méprise. Un couple sombre et taciturne, mais qui exprime bruyamment sa sensualité dans les forêts alentour. Une Miss Univers moins bête que prévu. Sans oublier Maradona (incarné par un sosie), de plus en plus obèse et essoufflé, arborant, sur le dos, un gigantesque tatouage de Karl Marx...

Paolo Sorrentino va d'un personnage à l'autre, imaginant, autour de chacun, des saynètes révélant, en un éclair, la stupidité de l'un, la générosité de l'autre. Il observe ses héros avec la délectation d'un manipulateur, d'un entomologiste, d'un magicien. Il fait d'eux les pièces d'un puzzle invisible qu'il assemble peu à peu, presque à leur insu. Il y a de la hauteur dans sa démarche, de l'orgueil, aussi, et c'est précisément cette arrogance qui le rend détestable aux yeux de ceux qui n'aiment les cinéastes démiurges que lorsqu'ils sont morts (Welles, Kubrick, Hitchcock...). En fait, comme un grand moraliste, Sorrentino voit les gens tels qu'ils sont, mais les filme comme ils pourraient être — comme ils parviennent à devenir, parfois : le héros des Conséquences de l'amour rachetait sa vie ridicule par une mort honorable. Celui de La Grande Bellezza préservait, au coeur de sa dolce vita permanente, le souvenir d'un amour de jeunesse et, avec lui, sa pureté perdue.

Par instants, lorsque la petitesse domine, lorsque la vulgarité l'emporte, Sorrentino enrage. Il éructe. Ce n'est plus Fellini qui l'inspire, mais Robert Aldrich, dont les seuls mots d'ordre étaient, on s'en souvient : démesure, bouffonnerie et ricanements. Dans une scène tonitruante, que le cinéaste dirige avec une réjouissante brutalité, débarque une Jane Fonda grandiose, maquillée comme la Baby Jane d'Aldrich, venue expliquer au cinéaste à qui elle doit tout qu'il n'est plus rien : un dinosaure, un souvenir de cinémathèque, un crétin... Avec elle, durant quelques secondes, c'est la laideur qui triomphe. Alors que toute l'oeuvre de Sorrentino tente, avec une ferveur qu'il arbore comme une oriflamme, de prôner et de prouver la survie de la beauté. Qu'elle soit tapie au coeur des villes (Rome dans La Grande Bellezza). Ou dans ces silhouettes faussement dérisoires que le cinéaste aligne de film en film : dans Youth, ce serait, évidemment, ce Maradona ventripotent qui, soudain agile, touché par la grâce, fait rebondir sur son pied une balle de tennis qu'il envoie de plus en plus haut, vers le ciel...


Télérama — Pierre Murat

Ce n’est pas la première fois que Paolo Sorrentino opte pour un casting anglo-saxon. Déjà en 2011, This Must Be the Place, prix du jury œcuménique à Cannes, disposait d’un casting composé entre autres de Sean Penn et Frances McDormand. Fatigué de perpétuer de façon si voyante les obsessions de son mentor Federico Fellini, l’italien réitère la chose avec Youth, conçu sur mesure pour Michael Caine et Harvey Keitel. Exit la jetset romaine décadente nécrosée par la vanité de La Grande Bellezza, et place à une vieillesse rongée par le doute et les remords dans Youth. A noter qu’on ne quitte pas tout à fait l’Italie dans le fond, puisque l’action ou plutôt l’inertie du film se déroule sur les hauteurs de la Suisse, à quelques pas. Tout comme La Grande Bellezza évoquait la laideur là où le spectateur s’attendait à trouver la beauté, Youth nous parle de vieillesse en lieu et place de la jeunesse. Une vieillesse qui contemple avec avidité l’ombre d’elle-même, le souvenir de ce qu’elle ne sera jamais plus. Aux corps décharnés et abîmés par le temps, s’opposent des parangons de la jeunesse dans ce qu’elle a de plus charnel. C’est le contraste entre une vision d’un corps parfait au sens populaire du terme – celui vendu par la publicité – et celle d’un corps certes tanné par les années mais néanmoins superbe.

A la fois dans les dialogues et dans tous ces plans féroces teintés d’ironie, Sorrentino poursuit tête baissée le sillon entamé dans son film précédent. L’influence exercée par la littérature semble toujours aussi palpable, de Céline à Marcel Proust en passant par Gustave Flaubert. Comme s’il s’agissait pour le cinéaste de ne faire tenir son film que par la force du style. Si Youth s’éparpille un peu moins que son prédécesseur, cette volonté maladive de toujours faire avancer le récit à grand renfort de saillies surréalistes et de jolies bizarreries vire à l’autosatisfaction. A l’instar de Jep Gambardella dans La Grande Bellezza, Fred Ballinger (Michael Caine), compositeur émérite jadis ami proche d’Igor Stravinsky, est submergé par ses hantises, ses frustrations et ses souvenirs. Or, quoi de mieux pour stimuler les affects et les sentiments de cet homme à fleur de peau que cette station thermale haut de gamme nichée au creux des montagnes helvètes ?

Comme s’il voulait agacer un peu plus ses détracteurs, Paolo Sorrentino adopte toujours la même logique ostentatoire. Avec ses clichés visuels par dizaines, ses joliesses manifestes, ses travellings soignés, ses personnages abracadabrants et ses cadrages virant au fétichisme, le kaléidoscope présenté est encore une fois adroit. Mais toute cette splendeur laisse un arrière-goût de clinquant, de vanité, parfois à la limite du snobisme. Pire : l’on a par moment l’impression de contempler un spot publicitaire – à vous de retrouver la pub Milka. Pour autant, ce serait mentir que de ne pas reconnaître à nouveau la virtuosité du réalisateur, dont la finesse - et la perversion - est d’avoir choisi Michael Caine, Harvey Keitel ou encore Jane Fonda pour digresser sur le crépuscule. A ce titre, la plus belle séquence est le cauchemar de Fred Ballinger, noyé 

métaphoriquement par sa frustration après avoir croisé Miss univers sur la place Saint-Marc - preuve que le cinéma de Sorrentino se porte mieux en Italie. Petit joyau de mise en scène qui paraît malheureusement un peu égaré, au milieu de tout ce tissu d’autosuffisance. Malgré tout, lorsque le réalisateur échappe à ses gimmicks en ne se concentrant plus que sur ses personnages, l’aspect trop calculé de l’ensemble disparaît au profit de quelques délicatesses presque touchantes, si ce n’était cette tendance aux trémolos. Comme si le cinéaste se fatiguait lui-même à force de sans cesse faire l’étalage de tant de beautés.

Si Youth ne devrait pas manquer de séduire par sa virtuosité manifeste, son humour torve et dans une certaine limite par l’ode à la création et à la vie sécrétée par son récit, il faudrait plus pour vraiment convaincre et éblouir. Reste que Sorrentino ne manque pas de vivacité d’esprit ni d’inspiration, juste de modestie.


avoir-alire

Genèse du film

Pour Paolo Sorrentino, le but premier de Youth est de parler du temps qui passe et du rapport à l'avenir. Même si les personnages campés par Michael Caine et Harvey Keitel incarnent ici des octogénaires, le réalisateur n'a pas souhaité faire un film sur la maladie et la vieillesse. En fait, tout est parti d'une rencontre que Paolo Sorrentino a fait avec le réalisateur italien Francesco Rosi, à qui justement le film est dédié. Ce dernier lui a raconté son histoire avec une jeune fille qui a été sa fiancée durant sa jeunesse. Le célèbre réalisateur de L'Affaire Mattei était alors accompagné d'un vieil ami et Paolo Sorrentino s'est alors inspiré de cette connivence pour construire l'histoire de Youth et l'histoire d'amitié entre les personnages de Michael Caine et Harvey Keitel.

Entretien

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