Vierge sous serment

de Laura Bispuri

Synopsis

Hana a grandi dans un petit village reculé d'Albanie où le sort des femmes n'est guère enviable. Pour ne pas vivre sous tutelle masculine, elle choisit de se plier à une tradition ancestrale : elle fait le serment de rester vierge à jamais et de vivre comme un homme.

Critiques

A l’heure où de nombreux conflits agitent nos sociétés, Vierge sous serment, premier long-métrage de la cinéaste italienne Laura Bispuri, agit comme un coup de poing dans l’estomac, en nous ramenant à une période sombre de l’histoire albanaise – l’occupation ottomane et l’instauration du code pénal du Kanun au XVème siècle – à travers le parcours initiatique de Hana, jeune femme devenue homme afin de bénéficier des mêmes droits que la gente masculine.

Avec un tel sujet entre les mains, certains réalisateurs engagés dans leur époque, auraient sans doute été tentés de réaliser un film grossièrement chaussé de sabots politiques et didactiques. Un piège visible à des kilomètres, que Laura Bispuri prend bien soin de contourner. 

Il n’y a pas le moindre sous-entendu, pas une seule trace de métaphore qui traduirait de manière pompeuse et poussive le machisme et la misogynie. La réalisatrice se contente de filmer et de dire les choses telles qu’elles sont, avec beaucoup de sincérité et de pudeur. Plusieurs flashbacks montrent Hana adolescente, qui, avide d’indépendance et de liberté, tente de se comporter comme un homme : elle refuse d’obéir, répond au maître de maison avec un franc-parler insolent, et s’initie à l’art de la chasse, alors que le Kanun stipule très clairement qu’une femme ne doit pas porter d’arme. Mais le droit de jouir des mêmes avantages que le sexe opposé a un prix : Hana est condamnée au vœu de chasteté, et ne pourra jamais connaître les plaisirs du corps et du sexe. Elle devient alors une vierge sous serment, se coupe les cheveux courts, et se fait appeler Mark. Ainsi, la virginité préservée, qui fait écho à la quête identitaire de l’héroïne, est omniprésente formellement tout au long du film.

En 1974, Claude Régy faisait une mise en scène singulière et complexe de La chevauchée sur le lac de Constance, de Peter Handke, à L’Espace Pierre Cardin. On y voyait un décor très riche, très encombrant, plein d’accessoires et de bibelots en tous genres. Au milieu de cette masse se tenaient deux comédiens, Michael Lonsdale et Gérard Depardieu, assis côte à côte et disant leur texte. Le décor les écrasait littéralement, à tel point que lorsque les corps se mettaient à bouger, c’était une véritable surprise pour le public. 

Laura Bispuri réitère ce processus, à ceci près que tout, dans son film, est bien plus épuré. La lumière diffuse, les ombres marquées, les contre-jours et les surcadrages, donnent à voir les mouvements pour eux-mêmes, dans leur unicité. Chaque geste des actrices et des acteurs, est comme une apparition divine. La pureté et la simplicité, métaphores cinématographiques de la vertu, font toute l’esthétique et toute la force de Vierge sous serment.

Enfin, il y a la question des rapports humains. Le jour où Hana/Mark retrouve son amie d’enfance Lila, la fille de cette dernière lui manifeste une grande hostilité. « Qui es-tu, Mark ? », demande-t-elle sans cesse. L’on en revient à cette quête identitaire – et sexuelle – de laquelle dépendent les relations de l’héroïne avec autrui. Une identité qu’elle trouvera à la fin du film... 

Œuvre courageuse et originale, pleine d’un formidable féminisme, portée par de sublimes paysages et la magnifique musique de Nando Di Cosimo, Vierge sous serment résonne comme un cri de colère, un chant de guerre, une mélodie d’espoir.


Arthur Champilou - aVoiraLire.com

On lui a coupé les cheveux. Puis elle a renoncé au sexe et à l'amour, s'est engagée à être un homme, en a fait le serment. Ce rite ancestral, très codé, qui se pratique encore en Albanie, a ceci de pervers qu'il se fait au nom d'une certaine liberté. En devenant Mark, Hana (Alba Rohrwacher) a en effet échappé au sort misérable réservé aux femmes, des moins-que-rien dans ces régions montagneuses. Est-ce un choix dicté ? Voilà toute l'ambiguïté de ce premier film très personnel, librement adapté d'un roman d'Elvira Dones, et qui dépasse le réquisitoire attendu. Cons­truit sur des allers-retours entre le passé (l'enfance, l'adolescence) et le présent, en Italie, où Mark a fini par rejoindre sa soeur adoptive Lila (Flonja Kodheli, discrètement sensuelle), le film se révèle une réflexion assez fine sur l'identité, la féminité, le genre. Rien n'est ­définitif, dans ce puzzle aux pièces éparpillées. Il s'agit surtout de silences, de gestes furtifs, d'esquives et d'ellipses, parfois un peu systématiques.

En Italie, Mark, craintif et curieux comme un oiseau, découvre la sexualité avec un homme, entraperçoit à travers Lila et sa nièce plusieurs visages de la féminité. Il s'agit moins pour « lui » de redevenir la femme qu'il a été que de trouver sa propre voie, loin des contraintes. Cet émouvant combat vers la renaissance s'inscrit à travers tout le corps, ramassé, androgyne, bizarre ou très gracieux d'Alba Rohrwacher, qui est absolument formidable.


Jacques Morice - Télérama

Entretien avec la réalisatrice

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