Lola pater

de Nadir Mokneche

Synopsis

A la mort de sa mère, Zino décide de retrouver son père, Farid. Mais, il y a 25 ans, Farid est devenu Lola…

Dossier de presse

lola-pater-dossier-de-presse-francais.pd
Document Adobe Acrobat 705.4 KB

Secrets de tournage

Origine du projet

 

Le réalisateur Nadir Moknèche explique la genèse du projet Lola Pater :

 

"Dans les années 1980, j’habitais Pigalle. Il y avait dans ma rue deux prostituées transsexuelles avec lesquelles j’entretenais un bon rapport de voisinage. Un après-midi du mois de mai, je rentrais de la fac, l’une d’elles m’apostrophe, me demandant si elle pouvait monter à la maison pour voir à la télé l’ouverture du procès de Klaus Barbie. 

 

Nous étions le 11 mai 1987. Et je me pressais, justement, pour suivre la retransmission sur Antenne 2. Je me souviens de façon très précise de mon air condescendant du haut de mes 22 ans et de ma condition d’étudiant en droit : « Une pute qui s’intéresse au procès Barbie ! » Voilà que je découvre une toute autre vie. Un individu né garçon, et qui se ressent fille. Elle fut ma première « Lola ». Par la suite, j’ai rencontré d’autres « Lola », recueilli d’autres histoires de transsexuels… une avocate radiée du barreau, des Algériennes ayant fui leur pays, et pour certaines l’hôpital psychiatrique. 

 

Un autre élément déclencheur fut la rencontre d’un groupe de femmes m’abordant à la sortie d’une projection de mon film « Viva Laldjérie » pour m’exprimer leur enthousiasme. J’ai fini par comprendre qu’elles étaient transsexuelles. Parmi elles, Pascale Ourbih originaire de mon quartier d’Alger ; depuis, on est devenu amis."

 

 

Le personnage de Zino, interprété par Tewfik Jallab, est inspiré de la propre histoire du cinéaste Nadir Moknèche :

"Mon père débarque à Paris en 1946. Il avait 19 ans. Peintre en bâtiment, il meurt à 40 ans en tombant du haut de son échafaudage. J’ai toujours eu le désir d’évoquer ce père que je n’ai pas connu, mais je n’avais pas le goût de raconter cette histoire tragique. Je savais qu’il était fan de Coccinelle (première artiste française connue à avoir changé de sexe), qu’il allait l’applaudir chez Madame Arthur. Ici commence la fiction, le romanesque. Je me suis mis en perspective, m’imaginant un père vivant quelque part, devenu une femme ; est-ce que j’accepterais, ou pas, de le voir. Pour finir par me dire : mieux vaut un père en vie, même s’il n’est pas à l’image d’un pater traditionnel, qu’un père mort."

 

Pourquoi Fanny Ardant ?

Nadir Moknèche a choisi Fanny Ardant pour camper le transsexuel Lola / Farid. Il explique ce choix : 

"Lors d’un déjeuner chez ma mère, on parlait du scénario, du personnage. Tout à coup, elle lance : « Ne cherche pas, il y a une seule actrice qui peut jouer ce rôle. Pas deux, pas trois, une seule : Fanny Ardant. » J’avoue que j’ai dissimulé mon enthousiasme pour ne pas lui attribuer totalement la paternité de cette illumination. M’est venu aussitôt le souvenir d’une silhouette « masculine » dans un imperméable se précipitant dans une rue sombre. C’était dans « Vivement dimanche ! » que j’avais vu à sa sortie. 

 

Je découvrais à l’époque Fanny Ardant. L’énergie et l’humour qu’elle dégageait m’avaient beaucoup marqué. Elle avait cette griffe italienne que j’aime beaucoup chez les acteurs. Tout s’est passé très vite : la rencontre, la lecture du scénario, les discussions sur le personnage. Dès notre première entrevue, elle m’a envoyé un message très clair : « Je suis entre vos mains. Vous êtes le réalisateur. » J’ai donc pu travailler en toute liberté."

 

Tel fils, tel père

Au départ, le comédien Ahmed Zerari est venu passer le casting pour le rôle de Zino (Tewfik Jallab). Et là, le réalisateur Nadir Moknèche a eu comme une vision : Fanny Ardant en garçon. Il lui a donc proposé le rôle de Farid jeune.

 

Lieux de tournage

Le metteur en scène Nadir Moknèche revient sur le choix des lieux de tournage de Lola Pater :

"Après avoir filmé Alger, la ville de mon enfance, il fallait filmer Paris. A part quelques parenthèses, je vis à Paris depuis plus d’une trentaine d’années. Je sillonne ses rues en deux roues depuis presque autant de temps. Ça a été un repérage permanant.  Les lieux ont inspiré le scénario : la rue Poliveau et son architecture « moderne » pour Malika, l’haussmannien pour Zino, le passage Verdeau où j’ai suivi pendant plusieurs années un cours de théâtre, l’hôtel pour son décor romain, et bien sûr la Seine : le passage en moto de la rive gauche à la rive droite."

 

Un chat et Chris Marker

Quand le personnage de Belmelok marche sur la rambarde de l’immeuble, avec en arrière-plan le Panthéon, la tour Eiffel, le minaret de la Grande Mosquée de Paris, on peut apercevoir un chat sur les toits. Il s'agit d'un subtil hommage du réalisateur Nadir Moknèche à un autre cinéaste, Chris Marker.

 

 

Quand on demande à Nadir Moknèche s'il n'a pas peur qu'on lui reproche de ne pas avoir engagé une actrice transgenre, il répond :

"Pourquoi pas algérienne, arabe ? Devrait-on faire jouer Shakespeare uniquement par des aristocrates britanniques ? L’identité de l’acteur et du rôle serait la fin de la représentation. Le jeu théâtral ou cinématographique permet tout à la fois de questionner les identités et de les explorer – on aurait tort de s’en priver.  Je pense que je suis bien placé pour connaître les problèmes des minorités. J’ai parlé de la liberté des femmes, y compris dans le mariage interreligieux, interdit aux musulmanes. Dans mes films, il y a toujours eu un personnage ouvertement homosexuel. Je contribue, je l’espère, à l’évolution des mentalités. Dois-je attendre une fatwa contre moi pour être homologué ?  Le choix de Fanny Ardant s’est imposé de lui-même. Elle et moi, nous nous sommes investis corps et âme dans ce personnage de Lola."

Critiques

 Elle n'a pas osé le lui dire, la première fois qu'elle l'a vu. Alors, Lola quitte son Midi, sa compagne, ses cours de danse orientale pour débarquer à Paris, apparemment éclatante, mais la peur au ventre. A ce jeune qui l'a prise pour une autre — la nouvelle compagne de celui qui l'a abandonné à sa naissance —, elle murmure cet aveu incongru, encombrant : « Je suis ton père »... Zino la contemple, interdit. Puis furibond : ce serait son père, cette longue dame brune extravagante, un peu ridicule ? « Je ne sais pas ce qui me retient de vous casser la gueule », hurle-t-il avant de s'enfuir. Quel cauchemar... La rage submerge Zino (Tewfik Jallab) : contre lui qui n'a rien compris. Contre sa mère, récemment décédée, qui lui a menti durant tout ce temps. Et contre cette caricature qui semble attendre de lui l'impossible : l'amorce d'un geste tendre, la possibilité d'un pardon. Pour Lola, c'est pire encore. Elle se croyait audacieuse, et même courageuse, d'avoir réussi à devenir ce qu'elle voulait être : nul ne peut connaître la souffrance d'être prisonnière d'un corps qui n'est pas le sien. Mais les beaux yeux accusateurs de son fils la renvoient à son égoïsme : oui, c'est vrai, elle n'a pensé qu'à elle... Au moins se croyait-elle à l'abri. Acceptée. Apaisée. Mais non, tout est à refaire, toujours. La voilà obligée, comme avant, de lancer à un réceptionniste maladroit qui l'appelle « Monsieur » : « T'as besoin de lunettes ? T'es myope ? » Soudain, dans un miroir grossissant — qui ment moins que les autres —, elle se découvre comme tant d'autres la voient : un vieux monsieur au regard fixe, empli de chagrin. Depuis Délice Paloma (2007), interdit en Algérie pour avoir trop bien dénoncé la corruption au sein de l'Etat, Nadir Moknèche a changé de style. Ses chroniques colorées, exubérantes, ont fait place à de classiques films de genre : Goodbye Morocco (2013) était un thriller à l'américaine, droit sorti d'un roman social à la Dashiell Hammett. Et Lola Pater est un western, avec affrontement et apprentissage. Un père et un fils s'y opposent, d'abord ennemis, puis complices possibles. L'ironie, évidemment, c'est que les valeurs de la vie soient transmises à un jeune homme en plein OEdipe par un « hors-la-loi ». Un hors norme. A savoir Fanny Ardant, qui excelle toujours lorsqu'on lui demande de braver le grotesque pour atteindre le sublime. Le plus séduisant est l'infinie douceur de Nadir Moknèche. Son amour visible pour les seconds rôles : le réceptionniste sri-lankais qui, par pure gentillesse, reconnaît la ressemblance de sa cliente avec Beyoncé. Ou la compagne de Lola (Véronique Dumont), dont il fait percevoir, lors d'une magnifique scène dans un hôpital, le dévouement sans faille et l'amour infini. Sa mélancolie se reflète dans cette Danse de Granados qu'il a choisie pour leitmotiv : trois petites notes de musique qui, comme dans la superbe chanson d'Henri Colpi, « lèvent un cruel rideau de scène sur mille et une peines qui ne veulent pas mourir »

 

Télérama

A la mort de sa mère, Zino découvre que son père, dont il n’a que des souvenirs parcellaires, est devenu une femme. On imagine ce qu’Almodovar aurait pu faire d’un tel matériau dramatique questionnant le genre, l’amour filial, la culpabilité et le désir d’émancipation : un mélo majuscule avec des personnages bigger than life et des rebondissements incongrus. Nadir Moknèche a préféré l’option terre-à-terre, au plus près des protagonistes, qui débouche sur une confrontation joliment sentimentale (et non sentimentaliste) au minimalisme légèrement frustrant. Dans le rôle de Lola la rebelle, Fanny Ardant impose sa voix troublante et sa silhouette gracieuse. Face à ce monstre sacré, Tewfik Jallab confirme qu’il est l’un des jeunes acteurs les plus intéressants de sa génération.

 

Première

Un récit de filiation croisé à la question du genre. Avec Fanny Ardant en M to F.

A la mort de sa mère, Zino décide de retrouver son père, Farid, qui a disparu quand il était enfant. Mais Farid est entretemps devenu Lola – ceci n’est pas un spoiler car la révélation survient tôt, et même dès le titre. Ce qui intéresse Nadir Moknèche n’est donc pas le suspense sur l’identité du père mais comment fils et père/mère vont se reconnecter (ou pas). Ici se mêlent vision politique et affects intimes : car on peut être ouvert, ne voir aucune objection théorique à la transsexualité et être néanmoins légitimement bouleversé quand on découvre que son père a les traits de Fanny Ardant.

Tout le mouvement du film consiste justement à montrer l’apprentissage du renouement d’un lien longtemps défait et brisé de surcroît par l’éclatement soudain de la figure rêvée du père. Comment amener le ressenti du personnage (et d’une part des spectateurs ?) vers sa vision tolérante, tel est l’enjeu de Moknèche, qui choisit parfois le registre de l’humour (“j’aime toujours les femmes, je suis un hétéro devenu lesbienne”, dit Farid/Lola/Fanny). Lola Pater pêche par baisses de tension, mais on retient au final la sensibilité de Moknèche, et son courage aussi puisqu’il questionne des siècles de patriarcat. Et puis bon, Fanny Ardant, quoi.

 

Les Inrockuptibles

Rencontre avec Fanny Ardant:

Newsletter

Recevez la programmation du cinéma chaque lundi ainsi que des informations sur nos événements.

Note : veuillez remplir les champs marqués d'un *.

Cinéma Le Vagabond

3 Bis Bd de la république

10200 Bar sur Aube

Tél : 03.25.27.99.30