Juste la fin du monde

de Xavier Dolan

Synopsis

Après douze ans d’absence, un écrivain retourne dans son village natal pour annoncer à sa famille sa mort prochaine.

Ce sont les retrouvailles avec le cercle familial où l’on se dit l’amour que l’on se porte à travers les éternelles querelles, et où l’on dit malgré nous les rancœurs qui parlent au nom du doute et de la solitude.

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Critiques

Ce sixième long métrage de Xavier Dolan est aussi le premier où nul accent québécois ne retentit — les acteurs sont tous français. Il y a déjà un petit miracle dans la préservation du style du cinéaste sans sa signature sonore la plus repérable. L'équilibre, plutôt le déséquilibre, entre outrance et acuité, entre drame et comédie, qui a fait l'éclat des films précédents, est bien là, tout de suite, mais dans une autre « musique ». Presque une langue différente.

D'emblée, il y a aussi la force de la pièce de Jean-Luc Lagarce que Xavier Dolan adapte, en la modifiant beaucoup. Avec ce texte reviennent, en filigrane, les douleurs d'une époque déjà lointaine, où il était fréquent de mourir du sida — comme Lagarce, en 1995. Et où l'homophobie, plus virulente encore qu'aujourd'hui, déchirait les familles concernées. Même gommé (l'action se situe « quelque part, il y a quelque temps »), ce contexte infuse le film.

Le héros (Gaspard Ulliel, doux et fantomatique), 34 ans, revient dans sa modeste famille provinciale, avec le projet d'annoncer sa mort prochaine. Il n'a pas vu sa mère, son frère aîné ni sa petite soeur depuis douze ans. Il n'a jamais rencontré sa belle-soeur, même à l'occasion de la naissance de ses neveux. Il écrit pour le théâtre, dans la capitale.

Dès le retour du jeune homme à la maison, Juste la fin du monde suggère l'impossibilité de la moindre communication entre ces êtres. Plus rien (ni personne) n'est comme avant. Ecrasé par la mélancolie, le revenant n'arrive pas à dire. Les autres ne veulent pas, ne peuvent pas entendre ce qu'ils devinent sans doute. C'est un moment de gêne absolue et de diversions hystériques. Un moment où toutes les névroses familiales, les jalousies, les frustrations, mais aussi les adorations, encore plus inavouables, se rejouent une dernière fois, dans le chaos. Depuis J'ai tué ma mère jusqu'à Mommy, c'est la honte de soi qui sépare les membres d'une famille dans les films de Xavier Dolan. L'affinité avec la pièce de Lagarce paraît donc totale.

D'autant que le réalisateur ne commet pas l'erreur de fuir le théâtre : il le revendique, comme pour Tom à la ferme. Hormis une violente scène en voiture entre les deux frères (et encore, on reste dans l'habitacle, avec eux), le huis clos est assumé. Mais des bouffées de lyrisme impromptues, sans ­parole, viennent régulièrement suspendre la dispute familiale. Tout se joue alors sur les visages en gros plan, dans les échanges de regards, d'une ­intensité magnifique.

A chaque comédien Xavier Dolan donne le temps de livrer de l'inédit. Il ose étirer les scènes plus que de raison, pour faire surgir des nuances et des intonations bouleversantes. Le grand frère prolo et ordurier (Vincent Cassel) semble d'abord un faire-valoir comique, jusqu'à ce que ses fêlures, hurlées, envahissent l'espace. La nervosité fofolle de la mère peinturlurée (Nathalie Baye) dévoile peu à peu une folie plus profonde, peut-être proche de la sagesse. La belle-soeur effacée et bafouillante (Marion Cotillard) devient une belle figure de la compassion, en même temps qu'une vestale de la vie qui doit continuer... Faire jouer à ces acteurs-là (sans oublier Léa Seydoux), tous célèbres et rayonnants, une partition aussi noire, radicale et minoritaire, d'un dramaturge plutôt méconnu, voilà un geste artistique fort et ambitieux. Une manière exemplaire d'entretenir la flamme de la cinéphilie.

 

Télérama par Louis Guichard

 

Avouons-le, l’extrait qui circule sur le Net nous avait fait peur. Gaspard Ulliel, d’une voix hésitante, la tête baissée, qui dit vouloir retourner voir la maison de leur enfance. Vincent Cassel, en mode actif-agressif, qui le rembarre d’un « Tu veux te retrouver dans cette piaule de chiasse ? », suivi d’un « Est-ce que moi j’ai envie d’aller à Auschwitz pour aller me branler dans le sang séché pour écrire un poème ? ». Nathalie Baye, maquillée comme une voiture volée, qui tranche avec un « Antoine, ça suffit, mauvais goût, mauvais goût ! », pendant que Léa Seydoux et Marion Cotillard regardent passer les plats. La séquence laissait présager un moment de théâtre filmé digne des pires heures de la télévision publique française. Nous étions loin du compte.

 

Adapté de la pièce Juste la fin du monde, de Jean-Luc Lagarce, écrite en 1990, alors qu’il se savait atteint du sida, ce sixième long-métrage de Xavier Dolan (27 ans cette année !) est son plus abouti, son plus fort à ce jour. Il saisit Louis, alter ego de l’auteur interprété par Gaspard Ulliel, dans un avion, tandis qu’en « off », la voix de l’acteur annonce le programme : revenir sur ses pas, retrouver sa famille, leur annoncer sa mort « prochaine et irrémédiable ». « En être l’unique messager. […] Me donner, et donner aux autres, une dernière fois, l’illusion d’être responsable de moi-même et d’être‚ jusqu’à cette extrémité‚ mon propre maître. »

Ce qui va se jouer dans ce moment grotesque et désespéré est une tragédie de l’intime, de la solitude radicale de l’homme

Ce prologue funèbre diffuse sa terrible gravité dans la course folle qui suit, un voyage en taxi recomposé comme un flip book d’images filantes au son, poussé à plein volume, d’une musique conquérante, qui propulse le film sur sa rampe de lancement. Et nous voilà chez Martine (Nathalie Baye, impayable sous sa perruque noir corbeau), où tout le monde attend le retour du fils prodigue. Ce qui va se jouer dans ce huis clos grotesque et désespéré est une tragédie de l’intime, de la solitude radicale de l’homme, où l’âme se voit littéralement mise à nu. La rencontre de ce personnage qui vient pour annoncer sa mort et de ceux à qui il vient l’annoncer, qui attendent de sa part la promesse d’un avenir partagé, ne peut provoquer qu’un hurlement muet. On est par-delà l’incommunicable, dans la zone irréparable du déjà trop tard.

 

 

Hystérie à haute intensité

Douze ans que Louis n’a pas vu sa mère, ni son frère, ni sa sœur. Avec ces gens mal dégrossis, incapables de communiquer autrement que par l’invective ou l’insulte, l’homosexuel sophistiqué qu’il est, intellectuel brillant, doux et posé dans son rapport aux autres, ne partage rien. « J’ai peur d’eux », dit-il à un ami, au téléphone. Comment trouver non seulement la force, mais aussi, simplement, un moment pour prendre la parole dans ce climat délétère, très Dolan première époque, où personne n’écoute personne et où tout le monde se coupe en vociférant. Ce régime d’hystérie à haute intensité n’a pas eu l’heur de plaire à tout le monde sur la Croisette.

C’est dommage, car malgré le poids de la situation qui vous cloue littéralement au fond de votre siège, c’est souvent drôle. Dans son rôle de « connard ascendant violent », Vincent Cassel, notamment, est dément. Dolan, en outre, a l’élégance d’offrir à ses spectateurs des échappées fantasques comme cette chorégraphie (très mal) improvisée par Léa Seydoux et Nathalie Baye au son d’un vieux tube d’O-Zone. Ou cette réminiscence lumineuse, provoquée par la découverte, dans la remise, du vieux matelas qui accueillit jadis ses amours avec Pierre, dit Joli-Cœur.

 

Dans la gabegie qui masque mal le champ de ruine de cette famille rongée par la souffrance, la honte et le ressentiment qu’a nourris le vide laissé par un dieu vivant qui fut un jour des leurs, la mise en scène baroque de Dolan travaille les creux ; réveillant, ici, dans un échange de regards furtif, la mémoire d’une complicité ; révélant, là, l’indicible à la surface d’une alternance hallucinée de gros plans de visages. Elle exprime ce que les personnages sont incapables de dire eux-mêmes. Elle raconte en silence que la bouleversante Catherine (merveilleuse Marion Cotillard) – épouse hypersensible et souffre-douleur d’Antoine que tout le monde prend pour une idiote – a compris la raison de la visite de Louis, que les autres, murés dans leurs névroses, ne s’expliqueront jamais.

 

Le Monde de Isabelle Regnier 

Rencontre avec l'équipe

Lien pour découvrir l'oeuvre de l'auteur Jean-Luc Lagarce

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