Jodorowsky's Dune

de Frank Pavich

Synopsis

Sorti en 1965, « Dune », le livre de Frank Herbert est un succès mondial et devient le livre de science-fiction le plus vendu au monde.

En 1975, le producteur français Michel Seydoux propose à Alejandro Jodorowsky une adaptation très ambitieuse de « Dune », au cinéma. Ce dernier, déjà réalisateur des films cultes « El Topo » et « La Montagne sacrée », accepte.

Il rassemble alors ses « guerriers » artistiques, dont Jean (Moebius) Giraud, Dan O’Bannon, Hans-Ruedi Giger et Chris Foss qui vont être de toutes les aventures cinématographiques de science-fiction de la fin du siècle (« Star Wars », « Alien », « Blade Runner », « Total Recal » etc.).

Le casting réunit Mick Jagger, Orson Welles, Salvador Dali, David Carradine ou Amanda Lear, mais également son jeune fils Brontis Jodorowsky, Pink Floyd et Magma acceptent de signer la musique du film…

 

L’équipe de production recherche 5 millions de dollars pour finaliser le budget et se heurte à la peur des studios hollywoodiens qui craignent le tempérament de Jodorowsky…

 

« Jodorowsky’s Dune » retrace l’extraordinaire épopée de ce film fantôme qui devait être « le plus grand film de l’histoire du cinéma » et changer à jamais la face du du 7ème art.

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Critiques

Retour sur un des films de science-fiction qui aurait pu définitivement marquer les années 70 et l’histoire du cinéma tout court. Au final, le Dune de Jodorowsky n’existera jamais vraiment. À travers ce documentaire, Frank Pavich lui donne une existence presque tangible et prouve que de l’échec peut naître une belle leçon de philosophie sur l’art, la vie et l’ambition.

L’argument : Sorti en 1965, Dune, le livre de Frank Herbert est un succès mondial et devient le livre de science-fiction le plus vendu au monde. En 1975, le producteur français Michel Seydoux propose à Alejandro Jodorowsky une adaptation très ambitieuse de Dune, au cinéma. Ce dernier, déjà réalisateur des films cultes El Topo et La Montagne sacrée, accepte. Il rassemble alors ses « guerriers » artistiques, dont Jean (Moebius) Giraud, Dan O’Bannon, Hans-Ruedi Giger et Chris Foss qui vont être de toutes les aventures cinématographiques de science-fiction de la fin du siècle (Star Wars, Alien, Blade Runner, Total Recall etc.). Le casting réunit Mick Jagger, Orson Welles, Salvador Dali, David Carradine ou Amanda Lear, mais également son jeune fils Brontis Jodorowsky, Pink Floyd et Magma acceptent de signer la musique du film… L’équipe de production recherche 5 millions de dollars pour finaliser le budget et se heurte à la peur des studios hollywoodiens qui craignent le tempérament de Jodorowsky… Jodorowsky’s Dune retrace l’extraordinaire épopée de ce film fantôme qui devait être « le plus grand film de l’histoire du cinéma » et changer à jamais la face du 7ème art.

Notre avis : Présenté à Cannes en 2013, Jodorowsky’s Dune aura pris du temps avant une sortie officielle sur les écrans français. Ayant tout de même tourné dans pas mal de festivals, le documentaire a acquis une bonne réputation, dévoilant dans le détail ce projet démesuré qu’avait eu Jodorowsky au milieu des années 70. Le film nous plonge d’ailleurs dès son introduction dans cette époque, notamment avec la musique synthétique analogique très typée Tangerine Dream/Klaus Schulze/kosmische musik assurée par Kurt Stenzel. Une des ambitions du cinéaste quand il s’est lancé dans Dune était de produire chez le spectateur les effets du LSD. Fidèle à son image de mystique halluciné, sa version très libre du roman de Frank Herbert raconterait la création d’un prophète et la naissance d’un Dieu pour illuminer l’univers. Il reverrait absolument tous les codes de la science-fiction au cinéma. Hélas, jamais un projet n’a été aussi avancé avant d’échouer. En résulte selon le réalisateur Richard Stanley (Hardware, Le Souffle du Démon) un des films les plus influents jamais tournés. En effet, un livre monumental a été conçu, rassemblant tout le storyboard de Moebius (3000 dessins), le design des costumes, des vaisseaux, les peintures de Giger et Chris Foss, etc. Ce Saint Graal a circulé dans tous les grands studios d’Hollywood et de nombreuses idées ont finalement atterri dans d’autres films, Alien pour sûr mais aussi des longs métrages de science-fiction très variés sont évoqués (La guerre des étoiles, Flash Gordon, Les aventuriers de l’arche perdue, Terminator, Les maîtres de l’univers, Prometheus) qui auraient repris des éléments du Dune de Jodorowsky. Le livre est si volumineux et détaillé que Nicolas Winding Refn (Le guerrier silencieux, Drive, Only God forgives) affirme pour sa part que le film existe et qu’il est génial car non seulement il a pu voir ce qui se trouvait dedans mais en plus Jodorowsky lui a raconté chaque séquence du film comme s’il se déroulait devant ses yeux. 

 

Le documentaire de Frank Pavich offre un rapide background pour présenter Jodorowsky, en s’arrêtant sur ses pièces de théâtre d’avant-garde au Mexique dans les années 60 puis son premier film scandaleux, Fando y Lis (1967), qui sera suivi par deux œuvres cultes au succès inattendu, El Topo en 1970 puis La montagne sacrée en 1973. Ayant obtenu un million de dollars pour faire ce dernier film, il fallait pour Jodorowsky taper encore plus fort pour la suite. Son producteur Michel Seydoux lui donne carte blanche. C’est alors que Jodorowsky cite le livre de Frank Herbert initialement publié en 1965 mais déjà un classique. Le comble c’est qu’il ne l’a même pas lu. Hollywood leur cède les droits pour une bouchée de pain car le roman est réputé inadaptable. Un château est loué pour travailler sur le projet durant les deux ans et demi qui vont suivre. Jodo doit alors constituer une équipe de « guerriers » et il est indéniable qu’il avait le flair pour repérer les génies de son époque. Il convoque d’abord Moebius dont les dessins deviennent sa caméra. Il embauche ensuite Dan O’Bannon, découvert avec Dark Star, aux effets spéciaux après avoir refusé de collaborer avec Douglas Trumball dont l’esprit trop business ne colle pas du tout à son entreprise artistique. Pour convaincre les gens, Jodo a des méthodes infaillibles et l’entendre raconter ces anecdotes est un pur régal. Dans le cas d’O’Bannon, c’est une marijuana très spéciale qui fera l’affaire. L’équipe se construit donc ainsi et le casting est un des plus hallucinants qui soit : David Carradine (qu’il séduit avec des vitamines E), Udo Kier (qu’il a connu par le biais d’Andy Warhol) mais aussi Mick Jagger, Orson Welles (à qui il promet son chef français préféré) ou encore Salvador Dali (qui aurait été l’acteur le mieux payé d’Hollywood, avec ses 100 000 dollars la minute) et sa muse Amanda Lear. Pour la musique, les anglais de Pink Floyd avaient accepté de faire l’environnement sonore de la planète Arrakis alors que les français de Magma auraient assuré celui de la maison Harkonnen.

 

Ce casting des plus improbables est dévoilé au fur et à mesure qu’on avance dans le documentaire. Le propre fils de Jodorowsky, Brontis, alors tout jeune adolescent, aurait incarné Paul Atreides et s’est entraîné intensément pendant ces deux ans et demi à toutes formes d’arts martiaux et autres pratiques acrobatiques. Chris Foss, connu pour ses couvertures de livres de science-fiction, est embauché pour le design des vaisseaux, ainsi que H.R. Giger dont l’univers très sombre et gothique colle parfaitement à la vision qu’a Jodorowsky de la maison Harkonnen. Ces deux artistes, en compagnie de Dan O’Bannon et Moebius, seront tous engagés pour travailler sur le film de Ridley Scott, Alien – Le 8e passager (1979), qui pour le coup n’aurait jamais vu le jour si Jodorowsky n’était pas passé par là auparavant. Ainsi, le documentaire de Frank Pavich, au travers d’interviews avec Jodorowsky et quelques-unes des personnes impliquées (que ce soit en France, en Suisse, en Angleterre ou aux Etats-Unis) nous donne peu à peu à imaginer ce qu’aurait donné ce projet, et cela fonctionne. Certaines animations simples donnent vie aux dessins et aux tableaux. Mais plus encore c’est le génie de la création qui est dévoilé et qui s’éloigne tellement du milieu de l’argent et du business hollywoodien. Jodorowsky aime le cinéma et l’art plus que tout et il en parle avec un dynamisme habité. Malgré ses 84 ans lors du tournage, sa passion est intacte et se ressent d’ailleurs dans son dernier film, le magnifique La Danza de la realidad.

 

Du premier plan séquence inspiré de La Soif du mal de Welles jusqu’au dénouement final, les séquences de son film avorté sont racontées en détail et nous mènent à croire que le film, quel que soit le résultat, n’aurait ressemblé à aucun autre. Ayant pris des libertés iconoclastes avec le texte original, Jodo fait du duc Leto un eunuque et sa femme aurait été enceinte avec une simple goutte de sang, ce qui aurait fait de Paul le fils du plaisir spirituel et non sexuel. Le cinéaste en vient même à dire qu’il a « violé » le texte de Herbert, mais « avec amour ». Au final, ce projet d’une vie (Jodo affirme qu’il se serait coupé les bras pour ce film) fera peur à tous les studios, pas seulement en raison de la personnalité de Jodorowsky mais aussi à cause de la longueur du film qui aurait pu dépasser les douze heures ! Jodorowsky’s Dune devient ainsi un bel éloge de l’ambition sans limites, ce sentiment qui, selon Jodo, permet de toucher à l’immortalité. C’est pourtant avec modestie qu’il avoue qu’il serait ravi si un cinéaste faisait de ce projet un film d’animation en utilisant toutes les techniques modernes. Gardant son pouvoir magnétique, Jodo nous émeut, nous fait rire, nous donne à réfléchir. Parfois drôle, parfois enragé, il peut s’emporter contre le système hollywoodien ou converser avec son chat mais se révèle toujours être un fabuleux conteur. Frank Pavich a su instaurer une confiance qui en fait un documentaire absolument jouissif à regarder, même si la forme est très sage et classique en opposition complète avec la personnalité du bonhomme. On en retire une leçon de vie très positive, qui mène à considérer tout échec comme un changement de direction, un parcours nécessaire pour renaître et aussi cette volonté de changer le monde par les rêves. C’est d’ailleurs durant ce tournage que Michel Seydoux proposera à Jodorowsky qu’ils retravaillent ensemble. Cela a donné La Danza de la realidad, la preuve même qu’un échec peut mener à une réussite. Au bout du compte, il nous reste aujourd’hui le Dune de David Lynch, qui sera réalisé en 1984 après que la récupération des droits par la fille de Dino de Laurentiis. Ratage absolu pour certains (Jodo y compris, bien entendu) ou chef-d’œuvre grotesque, c’est là une autre histoire...

 

à voire-à-lire

Source de fantasmes cinématographiques s’il en est, le roman Dune de Frank Herbert est toujours en attente d’une adaptation digne de ce nom. On se souvient bien évidemment du seul film que David Lynch en soit venu à renier, un peu moins de la mini-série tout à fait dispensable du début des années 2000. Encore récemment, en 2011, un projet d’adaptation fut relancé par la Paramount, puis abandonné. Jodorowsky’s Dune nous replonge dans la toute première de ces tentatives. Nous sommes alors en 1975, soit deux ans avant la sortie du premier Star Wars. Quand il s’attaque à l’adaptation du célèbre roman de Frank Herbert, le célèbre représentant du psychédélisme cinématographique qu’est Alejandro Jodorowsky est au sommet de sa folie artistique. Entouré des plus incroyables partenaires (Dali, Orson Welles, HR Giger, Moebius, Mick Jagger, les groupes Pink Floyd et Magma…), il n’ambitionnait rien de moins que de faire de Dune « le film le plus important de l’histoire de l’humanité ».

 

La première chose qui saute aux yeux devant le film de Frank Pavich, c’est qu’il est un produit parfaitement calibré pour répondre aux canons télévisuels les plus éculés – triste contradiction pour une production qui narre l’ambition qu’avait Jodorowsky de bouleverser les codes hollywoodiens. Mais il faut tout de même reconnaître que le récit qu’il dévoile est habilement mené, notamment lorsqu’il laisse deviner les liens entre cet échec et la fin d’une certaine conception du grand cinéma de divertissement. Car, au-delà du coup d’arrêt de la carrière du cinéaste, l’histoire qui nous est racontée préfigure d’une certaine manière le grand virage du cinéma hollywoodien de la fin des années 70.

 

Space Don Quichotte

 

Dune est un roman de science-fiction à l’univers si riche, si complexe, qu’il peut sembler totalement opaque au non-connaisseur qui ose s’y aventurer. Loin de vouloir simplifier le contenu original, Alejandro Jodorowsky travaillait au contraire à l’enrichir, à le rendre plus fou, plus mystique encore. À l’incontournable dichotomie du cinéma écartelé entre art et industrie, le réalisateur répond dès l’ouverture du documentaire : il est un art, et ne doit donc avoir aucune limite en terme de créativité. Il fallait ainsi réunir les plus grands, les plus inspirés de l’époque, seule garantie d’être à la hauteur d’une telle adaptation. Cette science-fiction là allait enfin faire le pont entre l’avant-garde et la culture pop, entre l’underground et le cinéma grand public, entre les maîtres vieillissants et les nouvelles pousses. Elle serait un nouveau et grand manifeste surréaliste, cinématographique cette fois, en même temps qu’un voyage spirituel qui changerait la face du monde.

 

Quiconque a déjà entendu Alejandro Jodorowsky parler a pu se rendre compte à quel point il est un conteur hors pair. Du haut de ses 84 ans au moment du tournage du documentaire, celui qui fut une des dernières figures du surréalisme revient ainsi sur l’élaboration de ce projet pharaonique. De ses histoires, tout est simplement impensable à l’heure actuelle. Il faut l’entendre raconter sa manière d’approcher Orson Welles dans un restaurant parisien pour lui proposer le rôle du baron Harkonnen, ou encore décrire le plan d’ouverture du film, dont l’ambition a de quoi encore laisser rêveur aujourd’hui. Ces récits sont déjà en eux-mêmes un grand spectacle, tous si improbables qu’ils en deviendraient plausibles. Or que reste-t-il de tout cela ? Quasiment rien, si ce n’est une bible, énorme ouvrage comprenant le story-board de Moebius et les dessins préparatoires de Giger, entre autres.

 

Les belles histoires méritent d’être embellies

 

Bien entendu, Jodorowsky’s Dune n’est pas de ces documentaires qui incitent à prendre de la distance vis-à-vis de la succession de légendes qui nous sont exposées : sa seule et unique fonction est de nous révéler à quel point ce Dune-là aurait été fabuleux. Les airs de making-of promotionnel qu’il emprunte par moments se révèlent d’ailleurs assez agaçants. Mais une dimension plus intéressante se révèle peu à peu derrière cette surface un peu lisse. Nous revivons en effet le montage du projet comme un de ces points de jonction de l’histoire, où plusieurs chemins se dessinent, incitant à se demander après coup « et si… ? ». Le film aurait peut-être, par sa simple ambition, éclipsé la sortie de Star Wars, qui sait… À moins qu’il n’ait été un échec tonitruant, anticipant celui de La Porte du paradis de Michael Cimino, précipitant ainsi encore plus la fin du Nouvel Hollywood.

 

Jodorowsky’s Dune est ainsi empreint d’une discrète mélancolie, celle de l’échec d’une certaine contre-culture à franchir le cap des années 80, si ce n’est pour les initiés. On repense par exemple à George Romero, qui lui aussi débordait d’ambition pour un Day of the Dead pensé comme l’apogée spectaculaire de sa trilogie des morts vivants. On le sait, Romero accoucha à l’arrivée d’un film fauché encore aujourd’hui mésestimé, tandis que déferlaient sur les écrans les grosses machines de Lucas, Spielberg et Zemeckis. L’époque avait changé, Hollywood aussi. Une partie de l’équipe réunie par Jodorowsky pour Dune se retrouvera néanmoins sur le premier Alien, contre-point saisissant de noirceur à la science-fiction grand public de Star Wars. Mais plus aucune production hollywoodienne du genre ne bénéficiera d’une ambition aussi totale que celle que Jodorowsky avait pour son Dune. Certains réussiront bien à ruser par la suite, détournant des projets à la barbe de studios pour les rendre plus subversifs qu’ils n’en avaient l’air de prime abord (Verhoeven avec son génial Starship Troopers, s’il ne fallait en citer qu’un). Mais Jodorowsky avait pour lui cette croyance qu’un tel projet pouvait avancer en pleine lumière. C’était bien sûr sans compter qu’Hollywood n’a jamais cessé d’être une industrie, et ce même dans ses époques en apparences les plus libres. Quarante ans après son échec, une lueur réapparaît dans son regard dès lors que le réalisateur se met à décrire des scènes de son faramineux Dune, exprimant tour à tour folie, amertume, rage, et un désir absolu de cinéma. Or c’est quand il laisse cette lueur-là vivre que le documentaire de Frank Pavich est de loin le plus convaincant.

 

Critikat

 

Entretien avec Alejandro Jodorowsky

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