Glory

de Kristina Grozeva, Petar Valchanov

Synopsis

Tsanko, un cantonnier d’une cinquantaine d’années, trouve des billets de banque sur la voie ferrée qu’il est chargé d’entretenir. Plutôt que de les garder, l’honnête homme préfère les rendre à l’Etat qui en signe de reconnaissance organise une cérémonie en son honneur... qui ne fonctionne pas.

Dossier de presse

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Critiques

« Glory » : farce politique à la sauce bulgare

 

Continent à peu près invisible du septième art mondial, voici quelques années que le cinéma bulgare envoie aux cinéphiles des signes, certes épars, mais d’une qualité suffisamment constante pour mettre la puce à l’oreille. ­Eastern Plays (2009) et The Island (2012), de Kamen Kalev, Avé (2012), de Konstantin Bojanov, Sofia’s Last Ambulance (2012), d’Ilian ­Metev, The Lesson (2015), de Kristina ­Grozeva et Petar Valchanov, tous sortis en France, égrènent quelques beaux souvenirs de cinéma. Précis de déliquescence sociale, fable sur l’aliénation du désir, road-movie adolescent, documentaire apoplectique sur le système de santé, cas d’école dardennien, il y a déjà dans ce modeste échantillon trop de diversité pour tenter d’établir une typologie et c’est tant mieux.

Notons toutefois la ligne de basse du gros malaise social postsoviétique. Ce n’est pas Godless, de Ralitza Petrova (une jeune femme pille les personnes âgées dont elle s’occupe), Léopard d’or du Festival de Locarno en 2016, ou le documentaire Et le bal ­continue, de Gueorgui Balabanov (quid du bonheur bulgare ?), récemment découvert au festival Cinéma du réel, à Paris, qui ­diront le contraire.

C’est un voyage en Extrême-Absurdie, plein d’une odieuse cruauté et d’une colère bouillant à bas bruit

Il en va de même de Glory, deuxième long-métrage de Kristina Grozeva et Petar Valchanov, qui sort en salle ce mercredi. Il s’agit d’une charge amèrement troussée contre l’impudence des gouvernants et le cynisme des communicants, laquelle présente le mérite supplémentaire d’être d’une épouvantable drô­lerie. Tendant vers l’horizon du Toni Erdmann, de Maren Ade, et des Lumières du faubourg, d’Aki Kaurismäki, c’est un voyage en Extrême-Absurdie, plein d’une odieuse cruauté et d’une colère bouillant à bas bruit, qui s’offre aujourd’hui aux spectateurs et électeurs français,...

 

Le Monde

Glory de Kristina Grozeva et Petar Valchanov. Après The Lesson, les deux cinéastes bulgares poursuivent avec une comédie très noire le portrait de leur société.

 

Il est 8 heures et des broquilles chez Tsanko le cheminot (Stefan Denolyubov). C’est ce qu’indique avec une ancestrale précision la montre à remontoir qu’il règle chaque matin. Comme chaque matin aussi, l’homme se rend à son travail sur les voies ferrées. Il y resserre des boulons à l’aide d’une énorme pince. L’été est accablant. Le soleil cogne droit sur la tête barbue et chevelue de Tsanko, dont le quotidien fait peu de place aux apparences. Son réveil a été agrémenté de ses modestes rituels, de la récurrence des affaires de corruption que la télévision livre dans sa cuisine. Un jour semblable aux autres paraît s’être levé sur la Bulgarie. Pas si vite.

 

Une célébration médiatique pour faire oublier un trafic de chariots

 

Voilà qu’en contrebas du talus, un Tsanko effaré tombe en arrêt devant un gros tas de billets de banque échappés d’un sac en plastique. Plus effarant encore, le brave homme prévient la police. Le voici promu héros national, gloire d’un ministère des Transports qui a deux-trois embrouilles à embrouiller. Notamment un trafic à grande échelle de chariots dans lequel la presse s’obstine à planter les dents. Très au-dessus du ballast sévit la belle et talentueuse Julia (Margita Gosheva), responsable en chef des relations publiques du ministère mentionné. Il va lui incomber d’organiser la célébration médiatique de Tsanko, « fierté de l’État » en verbiage communicant. « Imbécile de la nation » d’après ses collègues de turbin, qui espèrent vainement leurs bas salaires en retard. Pareils aux chemins parallèles qui assurent la sécurité des rails, ces deux mondes ne pouvaient se croiser sans produire de catastrophe.

 

Tous les ingrédients de la comédie noire sont réunis par les deux réalisateurs pour ce deuxième volet de leur trilogie, inspirée cette fois encore d’une coupure de presse. Un cheminot remet de l’argent trouvé. Il est récompensé d’une montre qui, au bout de quelques jours, cesse de fonctionner. L’homme s’offusque.

 

Un univers où cynisme et prévarication s’abattent sur les sans-grade

 

À partir de ce point final, Kristina Grozeva et Petar Valchanov ont laissé libre cours à la constitution d’un univers où cynisme et prévarication s’abattent sur les sans-grade depuis le plus haut niveau. Où violence et manipulation triomphent derrière les écrans. Dans un premier temps, la confrontation entre un Tsanko que son bégaiement maintenait dans un sûr retrait et les rouages impitoyables de la puissance publique donne lieu à des séquences au burlesque doux-amer. Julia, préoccupée d’elle-même et de sa carrière à l’excès, offre quelques contrepoints comiques de la même eau. Mais la température va s’élever à mesure de la descente aux enfers de Tsanko, acharné à récupérer la montre héritée de son père qu’on lui a retirée du poignet au profit d’une arnaque. La peinture sociale versera dans les tons d’ecchymoses de la cruauté. Les deux comédiens principaux, déjà présents dans The Lesson, excellent à jouer de ce nuancier. Des plans fixes bien ajustés leur en ménagent le champ. Tsanko, au péril de son intégrité sans faille. Julia, que ses failles intimes fissurent mais n’éclairent pas. Feux de détresse.

 

Deuxième volet d’une trilogie bulgare, «Glory» est une fable édifiante qui s’inspire d’une histoire vraie autour d’un magot tombé du ciel.

 

A quand remonte le dernier film bulgare ayant marqué les esprits - fût-ce de manière subliminale - sous nos latitudes ? Silence dans les rangs (un point aurait été accordé pour Eastern Plays, 2010). Quelle qu’en soit son indéniable singularité, il y aurait toutefois quelque chose d’injuste à réduire la pertinence de Glory à son particularisme géographique tant, au demeurant, la parabole sociale revêt intrinsèquement une dimension quasi universelle. Ecrit sous forme de fable, l’édifiant récit aurait pu s’intituler «le Cantonnier et la Fonctionnaire». Il met d’abord en scène un homme hirsute, dont l’impécuniosité n’aurait d’égale que la probité, qui, un jour, trouve dans l’exercice de ses modestes fonctions (il resserre des boulons sur les voies ferrées) un amas de billets de banque.

 

Un véritable cadeau du ciel que, sans barguigner, il décide de… restituer à l’Etat. En retour, on organise en son honneur une petite cérémonie. Au cours de celle-ci, le gueux des champs est pris en mains par une chargée de relations publiques, condescendante et guère encline à la tergiversation, qui va égarer sa montre. Un objet sans autre valeur que sentimentale, que l’ingénu n’aura de cesse de récupérer. Enième variation du pot de terre contre le pot de fer, Glory oppose alors l’opiniâtreté d’un quidam bègue, dénué de toute arrière-pensée, aux rouages de l’appareil étatique graissé par la magouille et comme indifférent au sort d’individus qu’il ne considérerait qu’à des fins propagandistes.

 

Constatant sans chouiner le «défi quasiment insurmontable», pour des questions de financement, «de distribuer des films en Bulgarie, et plus particulièrement des films d’auteur», Kristina Grozeva et Petar Valchanov n’en reprennent pas moins là leur bâton de pèlerin, trois ans après The Lesson qui leur avait ouvert pas mal de portes à l’export. Dans les deux cas, le tandem (passé par le journalisme et le docu) dit s’être inspiré de faits divers, a priori sans grand retentissement, découverts dans la presse. Un ultime volet, en gestation, viendra clore cette observation incisive des mœurs contemporaines, envisagée sous forme de trilogie.

 

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