Gabriel et la montagne

de Fellipe Barbosa

Synopsis

Avant d'intégrer une prestigieuse université américaine, Gabriel Buchmann décide de partir un an faire le tour du monde. Après dix mois de voyage et d'immersion au cœur de nombreux pays, son idéalisme en bandoulière, il rejoint le Kenya, bien décidé à découvrir le continent africain. Jusqu'à gravir le Mont Mulanje au Malawi, sa dernière destination.

Dossier de presse

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Secrets de tournage

Gabriel Buchmann

Gabriel Buchmann était un camarade de classe et ami de Fellipe Barbosa lorsqu'il était au lycée. Disparu en août 2009, c'est son appareil photo qui fut le point de départ des recherches qu'a menées le metteur en scène pour faire Gabriel et la montagne. Il explique : 

 

"Les mots qu’il emploie dans l’e-mail envoyé à sa famille étaient ceux d’un idéaliste. "Je voyage comme j’ai toujours rêvé, pas de manière touristique..." Le texte était plus long que ce que l'on entend dans le film. Il me fait penser à Candide de Voltaire. C’est un personnage sans cynisme, presque clownesque, qu’on ne voit plus beaucoup au cinéma aujourd’hui. Il est très rare pour nous, Brésiliens, de voyager en Afrique. Gabriel y cherchait un bien-être qu’il a trouvé et que j’ai retrouvé à mon tour en m’y rendant pour la première fois en 2007, dans le cadre d’un atelier de cinéma organisé par Mira Nair. Ce voyage a changé ma vision du monde. Moi aussi, j'aurais pu être Gabriel."

 

Bio express du réalisateur

Né à Rio de Janeiro, Fellipe Barbosa réalise en 2005 et 2007 ses premiers courtsmétrages : "La Muerte es pequeña" et "Salt Kiss", sélectionnés aux festivals de New York, Guadalajara, Sundance... En 2008, il développe le scénario de Casa Grande aux Screenwriters lab et Directors lab de Sundance, et présente le film en 2014 au festival de Rotterdam. Gabriel et la montagne est son deuxième long-métrage de fiction. 

 

A mi-chemin entre documentaire et fiction

Fellipe Barbosa a conçu Gabriel et la montagne comme un film à mi-chemin entre la fiction et le documentaire. Ainsi, le cinéaste a mêlé acteurs professionnels – Gabriel (Joao Pedro Zappa), sa copine (Caroline Abras), les autres touristes – aux habitants des pays qu’il traverse. C'est d'ailleurs en les rencontrant lors des repérages qu'il a compris qu'il lui fallait filmer les vraies personnes que Gabriel a rencontrées durant son périple, et recueillir leurs témoignages. 

 

"Chaque fois que nous avons retrouvé une personne qui avait rencontré Gabriel 7 ans auparavant, j’ai senti sa présence et j’ai su que nous étions sur la bonne voie. J’ai toujours eu l’intention de faire une fiction. J'avais un scénario, des scènes écrites dans lesquelles j’avais condensé beaucoup de choses qui étaient arrivées à Gabriel en 70 jours. Scénario que je demandais aux interprètes d’oublier sur le tournage. Je voulais maintenir un esprit d’improvisation. J'ai vraiment aimé ces personnes. Et la plupart d'entre eux ont aussi aimé Gabriel : ils étaient heureux de revivre les moments qu’ils avaient partagés. C’était comme si Gabriel avait déjà lui-même composé un casting incroyable. Le processus fut assez naturel et magique. Cela donne au film un aspect documentaire mais sa forme est fictionnelle", confie Fellipe Barbosa.

 

Références

Côté sources d'inspiration, Fellipe Barbosa a beaucoup pensé à Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, au film d'aventure Un homme nommé cheval, mais surtout à Sans toit ni loi d'Agnès Varda. En revanche, le réalisateur a souhaité se distancier de films comme Into The Wild de Sean Penn, 127 Heures de Danny Boyle ou Gerry de Gus Van Sant.

 

A 5 800 mètres d'altitude !

Gabriel et la montagne a été tourné dans certains coins complètement sauvages à une altitude élevée. Fellipe Barbosa et son équipe sont même montés sur le pic Uhuru, le plus haut du Kilimandjaro, qui culmine à plus de 5 800 mètres d’altitude ! Le metteur en scène se remémore : 

 

"On était treize dans l’équipe. Un quart des gens qui l’empruntent arrivent jusqu’au bout. Sur les treize membres de l’équipe ce jour-là, treize sont arrivés au sommet. Dix-huit heures de marche pour tourner un plan. Mon chef opérateur, Pedro Sotero, est asthmatique mais il est arrivé au sommet, et avec toute sa lucidité. En plus, c’était le seul de l’équipe image : son assistant-caméra, son chef machiniste et les autres étaient malades ce jour-là. Il est recommandé de ne pas rester plus de dix minutes à une telle attitude. On y est restés quarante minutes, le temps de tourner un plan. Pedro a eu l’intelligence de mettre un objectif 18 mm et fermer l’iris au maximum pour obtenir une grande profondeur de champ et ne pas avoir de problème de point. On a fait une prise. Les guides nous ont interdit d’en faire une autre."

Critiques

Gabriel et la montagne reconstitue les soixante-dix derniers jours de la vie de Gabriel Buchmann (sous les traits de l’acteur João Pedro Zappa), qui fut un ami du réalisateur, Fellipe Barbosa . En 2009, ce jeune homme issu de la bourgeoisie de Rio avait consacré une année sabbatique à faire le tour du monde. En tant qu’étudiant en sciences économiques s’apprêtant à intégrer une université américaine, il souhaitait voir la pauvreté là où elle se trouve en voyageant autrement que comme un vulgaire touriste, en vivant parmi les autochtones, en empruntant des chemins de traverse. Forçant son audace jusqu’à l’inconscience, il mourut après s’être perdu sur le mont Mulanje au Malawi, au dixième mois de son périple.

 

 

Le film commence par la découverte de son cadavre, enfoui derrière une dense végétation, littéralement absorbé par le paysage. Cette ouverture place tout ce qui suivra sous le signe de la mort, apportant à la naïveté de Gabriel une teinte tragique, et permettant à Barbosa de se distancier d’emblée de son idéalisme. Car tout l’enjeu du film est là : comment rester fidèle à l’ami mort tout en prenant avec son aventure la distance qu’il n’a lui-même pas su avoir ?

 

 

La fidélité passe par la précision documentaire d’un tournage qui a duré presque autant de jours que le temps de l’action, dans les lieux précis où est passé Gabriel, avec, dans leurs propres rôles, tous ceux qui l’ont réellement accueilli et accompagné. La méticulosité de la reconstitution devient quasi superstitieuse lorsqu’elle consiste à faire porter à l’acteur les vêtements du défunt. Il s’agit surtout de s’approcher au plus près de ce qu’il a pu éprouver, jusqu’à escalader le Kilimandjaro et tourner sur son sommet dans le temps des quarante minutes au-delà desquelles il est physiquement déraisonnable de ne pas redescendre. Cet aspect documentaire n’empêche pas une problématisation très subtile. Le cinéaste n’est jamais contre son personnage mais il révèle par petites touches ses contradictions. Malgré son désir de submersion totale, Gabriel ne peut échapper à son statut d’étranger, de mzungu, comme on nomme les Blancs en Afrique de l’Est. Il n’est pas seulement trahi par sa couleur de peau mais surtout par sa volonté trop affichée de s’intégrer. Par exemple, lorsqu’il s’habille vaguement comme un Massaï alors que personne n’est vêtu ainsi autour de lui, ou lorsqu’il court après des zèbres comme un enfant sans prendre conscience du danger.

 

Enfant gâté

Bien sûr, aucun Africain ne regarde et ne vit l’Afrique avec une telle excitation naïve vis-à-vis de tout ce qui l’entoure, avec un tel élan humaniste face à une misère dont il n’est qu’un spectateur passager, avec une telle fierté à ne pas se comporter comme ceux de sa classe. Venue le rejoindre pendant quelques jours, sa petite amie, plus lucide, lui rappelle ses origines bourgeoises, que démontrent les rapports compliqués à l’argent de ce riche jouant au pauvre. Sa façon systématique de se méfier des autochtones dès qu’il s’agit de payer relève d’un réflexe condescendant, d’autant plus problématique qu’il vient contredire sa vision idéaliste d’une fraternité désintéressée.

 

Même si le cinéaste évoque surtout l’influence de Sans toit ni loi d’Agnès Varda (notable dans la structure du film), on pense plutôt aux aventuriers égarés des films de Werner Herzog, se perdant dans des paysages qu’ils croient pouvoir conquérir, dévorés par une nature à laquelle ils ne comprennent pas grand-chose, trop aveuglés par leur romantisme. Car l’aventure est peut-être surtout un fantasme d’enfant gâté, comme le montre un détail très révélateur pour qui l’aperçoit. Lorsqu’il atteint le sommet du Kilimandjaro, aidé par un guide qui le force à dépasser sa fatigue, Gabriel est fier comme s’il avait accompli un exploit unique. Au moment le plus intense de son exaltation passe au second plan un homme avec un sac à dos dont la nonchalance relativise totalement la portée héroïque de ce qui précède.

 

Sans que le cinéaste ne force nos sentiments, on est constamment partagé entre la sympathie et l’agacement envers ce jeune homme candide qui incarne à la fois la générosité et les limites d’une certaine posture humanitariste, où l’élan vers l’autre pourrait aussi être une fuite de soi, où la générosité serait une forme tordue de narcissisme. Et peut-être incarne-t-il aussi la complexité et l’ambivalence du Brésil, pays émergent après avoir appartenu au tiers-monde, et qui culturellement garde toujours un pied en Afrique. Gabriel et la montagne n’est cependant pas un film à thèse, à peine une fable. De quoi meurt Gabriel ? D’une trop grande confiance en sa liberté, en sa connivence avec le monde ? Mais ses photos demeurent. Celle qui semble avoir été prise depuis l’endroit précis où il est mort est bouleversante car elle ramène son aventure à sa part la plus solitaire et impartageable, où c’est dans le regard embué d’une agonie parmi les plantes sauvages qu’il parvient tragiquement à cette fusion avec le monde à laquelle il aspirait.

Libération

Trois mois après avoir été présenté au Festival de Cannes, à la Semaine de la Critique, Gabriel et la montagne sort le 30 août sur les écrans français. Le réalisateur brésilien Fellipe Barbosa y reconstitue les derniers jours de son ami décédé sur un sommet du Malawi. Courrier international est partenaire de ce film.

 

 

Le mois de juillet 2009 touche à sa fin quand la nouvelle parvient au Brésil, relayée dans la presse par quelques entrefilets. “Un Brésilien est porté disparu dans le massif Mulanje”, annonce le magazine Istoé. “Des pompiers de Rio partent en Afrique pour participer aux recherches”, titre, quelques jours plus tard, la Folha de São Paulo. Cela fait alors plus de deux semaines que Gabriel Buchmann, le fils d’une famille aisée de Rio, n’a plus donné signe de vie.

 

L’économiste de 28 ans, sac au dos, “s’était lancé dans un tour du monde pour étudier la pauvreté et trouver des moyens de réduire les inégalités mondiales”, relate le Jornal do Brasil. La dernière fois qu’il a été vu, il s’apprêtait à gravir le pic Sapitwa, le point culminant du Malawi. “Buchmann aurait renvoyé son guide lors de la dernière phase de l’ascension. Voyant que le Brésilien ne revenait pas au camp dans les temps, celui-ci a signalé sa disparition à d’autres touristes”, poursuit le quotidien.

 

 Le 5 août, le cadavre de Gabriel Buchmann est retrouvé sur les pentes du Sapitwa. Le jeune homme est mort d’hypothermie. La presse brésilienne consacre quelques articles à l’affaire et s’interroge sur ce qui avait amené le Brésilien au Malawi. “Son initiative est semblable à celles de beaucoup d’autres Brésiliens qui, dans leurs 20 ans, partent parcourir le monde pour découvrir d’autres cultures. Les générations précédentes allaient plutôt aux États-Unis, en France ou en Angleterre. Aujourd’hui, tout ça a beaucoup changé”, constate par exemple O Estado de São Paulo.

 

Dans la même chambre exactement

 

Mais une question reste en suspens, comme le rappelle Valor Econômico : “Qu’est-ce qui a pu amener le Brésilien à décider de se passer des services de son guide pour gravir seul le pic Sipatwa ?” Il n’ignorait pas que le nom du sommet de 3 000 mètres, dans la langue locale, signifie “N’y va pas”. Pourquoi a-t-il passé outre les mises en garde de tous ceux qu’il a croisés ce jour-là ?

 

 

Ces questions ont longtemps hanté le réalisateur Fellipe Barbosa, camarade de lycée du défunt. Il y répond aujourd’hui par un joli film émouvant, Gabriel et la montagne, son deuxième long-métrage après Casa Grande (2014). Le cinéaste s’est rendu en Afrique, sur les traces de son ami, avec pour seul guide les notes retrouvées dans l’ordinateur portable de celui-ci, ses photos de voyage, les courriels qu’il avait envoyés à sa famille. “En 2015, je me suis astreint à une discipline pour me rendre précisément là où il était passé”, confie-t-il au portail iG. “Je me suis retrouvé dans une pension, en pleine jungle, à chercher dans quelle chambre il avait dormi exactement. Il fallait que ça se passe là. À me retrouver dans les mêmes lieux que lui, aux côtés des personnes qu’il a rencontrées, j’ai parfois fondu en larmes. Nous arrivions même à sentir sa présence, c’était extrêmement fort.”

 

Un voyageur plein de contradictions

 

Pour traduire cette émotion à l’écran, Fellipe Barbosa a choisi de mélanger documentaire et fiction. L’acteur João Pedro Zappa a été chargé d’incarner le fantôme de Gabriel, dont le parcours est raconté par ceux qu’il a croisés au cours des soixante-dix derniers jours de son périple. Devant la caméra, ceux-ci rejouent leur propre rôle ; entre improvisation et reconstitution, ils redonnent vie et consistance aux échanges qu’ils ont pu avoir avec le jeune homme. Pierre après pierre, ils aident le réalisateur à composer le tombeau cinématographique de son ami.

 

“Le film nous montre un Gabriel qui s’habille comme un Africain, se nourrit comme les locaux et se fait héberger chez eux. Il ne veut pas comprendre la misère de façon académique, mais l’expérimenter”, relève la Folha de São Paulo. Mais plus le Carioca veut se fondre dans son nouvel environnement, plus il est renvoyé à ce qu’il est, un Occidental aisé et formé dans les meilleures écoles, un visiteur de passage. Un aspect dont Fellipe Barbosa a pris conscience au montage : “Là, ça a été dur de me confronter au personnage réel, à cause de sa différence avec le Gabriel idéalisé, confie le cinéaste à Valor Econômico. Il était plein de contradictions, c’était d’ailleurs ce qui le rendait unique. Mais ces contradictions ont beaucoup agacé ceux avec qui il voyageait, et elles peuvent agacer le spectateur aussi. Ce que l’on voit ici, c’est le Gabriel humain, avec ses nombreux défauts. En ce sens, le film est un peu un miroir, il nous pousse à regarder nos propres contradictions aussi.”

 

 

Courrier international

Extrait

Rencontre avec le réalisateur

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