Femmes au bord de la crise                          de nerfs

de Pedro Almodovar (1988)

Synopsis

Ivan et Pepa travaillent ensemble pour le doublage de films. Dans la vie, ils sont amants, mais un jour, Ivan abandonne sa compagne sans aucune explication. Pepa cède à l'angoisse et la jalousie, découvre qu'Ivan est marié et a un fils. Au bord de la crise de nerfs, elle tente d'aider une amie impliquée dans un complot terroriste..

Critiques et analyses

Tout l'univers d'Almodóvar est là : les couleurs exubérantes, avec toujours une dominante rouge sang, de brèves touches d'humour trash, l'obsession pour les talons d'escarpins claquant au sol, les perversions sexuelles, les héroïnes blessées mais indomptables... Librement inspiré d'une pièce en un acte de Jean Cocteau, La voix humaine, le récit est orchestré autour d'un élément central, le téléphone, instrument du malentendu et de l'incommunicabilité, tour à tour gag, arme, menace ou promesse. Carmen Maura, égérie des premières années, trouve ici un rôle à sa mesure, entre le rire et les larmes.


Arte.tv

Premier grand succès de Pedro Almodóvar en France (plus de 600 000 entrées), lauréat de cinq Goyas en Espagne, Femmes au bord de la crise de nerfs est en quelque sorte l’œuvre-somme des années 1980 du célèbre réalisateur espagnol, celle qui lui permit de rentrer dans la cour des grands. Débridé, coloré, un brin folklorique diraient ses détracteurs, le film marque aussi la fin d’une fructueuse collaboration avec Carmen Maura, actrice-fétiche qui ne reviendra qu’en 2006 dans Volver.


Enfant de la movida nourri aux telenovelas, Pedro Almodóvar a toujours revendiqué un goût pour l’artifice aux grosses ficelles et ne s’est jamais vraiment préoccupé de la vraisemblance de ses scénarios. Le désordre qui parcourt ses premiers films marque souvent le rejet d’un ordre bien-pensant et ses personnages – très typés, voire stéréotypés – sont à l’exact opposé d’un modèle de conformisme bourgeois hérité de quarante ans de franquisme. Femmes au bord de la crise de nerfs, réalisé en 1988, est une belle synthèse des motifs esthétiques et des thèmes qui ont jalonné la première décennie d’activité du réalisateur espagnol. Auréolé d’un succès qui dépasse largement les frontières ibériques, le film donne une idée plutôt précise de ce qu’est la recette d’Almodóvar (qui a atteint parfois sa propre limite, comme avec le récent Les Amants passagers), au point de nourrir une auto-parodie plutôt inattendue dans Étreintes brisées. Film-charnière d’une filmographie encore en devenir, Femmes au bord de la crise de nerfs marque surtout la fin d’une riche collaboration avec une actrice fétiche, Carmen Maura, que le réalisateur ne retrouve qu’en 2006 pour Volver, sans que l’on connaisse précisément les raisons de cet arrêt.


Après avoir joué les transsexuelles dans La Loi du désir, l’actrice au tempérament volcanique endosse les habits de Pepa, jeune quadra connue en tant que doubleuse de films, accessoirement larguée par un amant peu scrupuleux. Bouleversée par cet abandon, elle enchaîne les actes irraisonnés et parfois lourds de conséquences, croisant au cours de sa tentative de reconquête une galerie de personnages féminins plus borderline les uns que les autres. D’ailleurs, le titre ne s’en cache pas : l’une des principales mécaniques du film repose sur une hystérie féminine collective, contrepoint des lâchetés des hommes dont elles se rendent dépendantes affectivement. Il serait tentant de faire de la sociologie de comptoir et de voir dans Femmes au bord de la crise de nerfs une vague misogynie basée sur une guerre des sexes menée au désavantage des héroïnes. S’il ne s’est jamais caché d’être un fétichiste des femmes (sa collaboration avec Penélope Cruz a d’ailleurs eu un effet amplificateur), Pedro Almodóvar est cependant bien trop travaillé par la question du genre et de ses frontières pour réduire ce film à un instantané des rapports hommes/femmes dans l’Espagne de la fin des années 1980. Le parti-pris du réalisateur est plutôt de jouer avec le stéréotype féminin tout droit sorti des séries télévisées, grossissant le trait de la vieille garce démoniaque, exagérant le libertinage inconscient d’une jeune mannequin suicidaire ou encore travaillant la figure de la vierge autoritaire (Rossy de Palma, dans le deuxième rôle de sa carrière naissante).


Comme dans La Loi du désir en 1987 puis dans La Mauvaise Éducation ou Étreintes brisées ces dernières années, la mise en abyme et le factice sont ici au centre du dispositif. D’ailleurs, Femmes au bord de la crise de nerfs s’ouvre sur la maquette d’un immeuble tandis que la voix-off de Carmen Maura annonce vivre dans cet endroit, nous projetant d’entrée de jeu dans un monde en parallèle de toute représentation réaliste. Il n’est peut-être plus question de théâtre (le projet étant librement inspiré de La Voix humaine de Jean Cocteau) mais Pepa n’est pas moins actrice de doublage et rejoue, au gré des événements personnels qu’elle traverse, un rôle aussi mythique que celui tenu par Joan Crawford dans Johnny Guitar de Nicholas Ray. Revisités, les dialogues originaux sont alors pourvus d’un double sens à effet grossissant, faisant du septième art un miroir déformant capable d’aspirer (ou de transcender) la réalité. Célébration du faux pour prêcher le vrai, le film ne s’encombre d’aucune justification sur la résolution de certains nœuds scénaristiques (des policiers endormis aux somnifères, une jeune femme complice d’un attentat chiite, etc.) et préfère repeindre la réalité de couleurs prononcées mais toujours signifiantes (le jaune pour la passion, le rouge pour la mort). Femmes au bord de la crise de nerfs n’est peut-être pas le plus abouti des films d’Almodóvar (le tournant des années 1990 sera synonyme d’un équilibre plus poussé entre mélodrame et comédie) mais sa ressortie en salles est l’occasion de redécouvrir le pan d’une filmographie d’un réalisateur qui a mis quelques années à être réellement pris au sérieux.


Clément Graminiès - Critikat.com

http://www.critikat.com/actualite-cine/critique/femmes-au-bord-de-la-crise-de-nerfs.html

Après une production underground où son goût pour les situations glauques et déjantées s’étaient manifestées avec plus ou moins de bonheur autant dans la comédie (Dans les ténèbres) que le drame (La loi du désir), Almodovar sembla s’assagir. Son style n’en demeura pas moins incisif et flamboyant et ce qui fut son premier gros succès international marqua en fait une étape dans sa carrière et un renouvellement de sa démarche. Femmes au bord de la crise de nerfs est un délicieux vaudeville hystérique qui permet au cinéaste d’affiner son goût pour les portraits féminins déjà esquissés dans ses films antérieurs et qui culmineront dans les deux décennies suivantes. Pepa (Carmen Maura), qui subit un choc affectif, anticipe en effet les personnages de Marisa Paredes dans La fleur de mon secret ou Cecilia Roth dans Tout sur ma mère. Formellement plus soigné que ses premières œuvres de la movida, le film alterne kitsch assumé (le studio de doublage, le décor de l’appartement) et ébauche d’une épure qui sera la marque de Volver ou Parle avec elle.


L’intrigue démarre par une première demi-heure en hommage à La Voix humaine de Cocteau, à la fois déconcertante par son allure bordélique et criarde, et séduisante par son montage et l’utilisation de la chanson Soy infeliz de Lola Beltran. Après cette longue exposition, le récit prend ses marques et devient vite jubilatoire avec des quiproquos dignes de Feydeau, des dialogues que n’auraient pas reniés Wilder, et bien sûr tout le petit folklore d’Almodovar qui rend chacun de ses films inimitable. De la bonne copine à la masse (Maria Barranco) à la mégère sortie de clinique psychiatrique (Julieta Serrano), en passant par le couple de fiancés mal assorti (Antonio Banderas et Rossy de Palma), le petit monde d’Almodovar donne une image singulière de l’Espagne post-franquiste, partagée entre traditions et modernisme, défoulement et névroses. Le film fit un tabac en Espagne et élargit l’audience internationale du réalisateur. Primé à Venise et aux European Film Awards, titulaire de cinq Goyas, nommé aux Oscars et Golden Globes, il est devenu avec le temps un film culte, emblématique de l’art de son auteur. Tamasa Distribution est à l’initiative de sa reprise en salle dans une version numérique restaurée.


Gérard Crespo - avoir-alire.com

http://www.avoir-alire.com/femmes-au-bord-de-la-crise-de-nerfs-la-critique-du-film


Vidéos et extraits

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