Djam

de Tony Gatlif

Synopsis

Djam, une jeune femme grecque, est envoyée à Istanbul par son oncle Kakourgos, un ancien marin passionné de Rébétiko, pour trouver la pièce rare qui réparera leur bateau. Elle y rencontre Avril, une française de dix-neuf ans, seule et sans argent, venue en Turquie pour être bénévole auprès des réfugiés.

Dossier de presse

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Secrets de tournage

Idée de départ

L'idée de Djam est venue à Tony Gatlif lors de sa découverte de la musique Rebetiko au cours d'un voyage en Turquie en 1983 : 

 

"J’étais venu présenter mon film Les Princes. C’est une musique qui s’est développée dans les bas- fonds d’Athènes et de Thessalonique, puis dans les îles, lorsque les Grecs ont été chassés de la Turquie par Atatürk. Il n’y a jamais de colère dans cette musique, plutôt de la révolte et de la mélancolie comme dans toutes les musiques que j’aime. C’est une musique de mal aimés, mais de gens fiers d’être ce qu’ils sont. Une musique subversive. Dans le Rebetiko, les chants ont des paroles qui guérissent", relate le cinéaste.

 

Pourquoi la musique Rebetiko ?

Tony Gatlif explique ce que représente la musique Rebetiko et pourquoi il est très touché par elle :"Ces chansons parlent d’exil : le départ des Grecs d’Izmir, leur fuite à travers les mers en barques… Chez moi, tout part toujours de la musique et de l’exil. Enfant, j’ai vu les pieds-noirs quitter l’Algérie au début des années soixante. Je les revoie en larmes assis sur leurs valises derrière les grilles du port d’Alger en attendant de prendre des bateaux pour la métropole, j’étais parmi eux. Je revois les boat people vietnamiens, vingt ans plus tard, avec leurs bateaux renversés, si proches du sort des migrants actuels dont les embarcations se fracassent à Lesbos. J’ai vu tant de peuples condamnés à l’exil qu’avec ce film, je voulais parler de tous les migrants, ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui. C’est le Rebetiko et l’envie de filmer une jeune femme libre qui m’ont donné l’énergie de me lancer dans ce projet", confie le metteur en scène.

 

Trouver la bonne actrice

Tony Gatlif explique comment il a trouvé sa comédienne principale, Daphné Patakia :

 

"J’ai cherché très longtemps l’actrice qui allait jouer Djam. Six mois avant le tournage, je ne l’avais toujours pas trouvée. Elle ne devait pas être forcément belle mais devait impérativement parler grec et français. C’est mon assistante en Grèce qui m’a parlé de Daphné. Grecque par ses deux parents, élevée en Belgique elle parle parfaitement le français. Dès je l’ai rencontrée, les scènes du film ont commencé à prendre corps à travers elle. Je sentais qu’elle irait au bout, à fond. Daphné est née en Belgique et n’a jamais perdu sa culture de vue. Elle sait ce qu’est l’exil."

 

La révélation Daphné Patakia

Daphné Patakia, incarne Djam. Tony Gatlif revient sur la performance de la jeune actrice belge :"Je lui ai demandé d’apprendre à chanter, à jouer de la musique et à danser la danse orientale. C’est elle qui chante. Ce n’est jamais du play-back. Comme la plupart des Grecs, Daphné est très cultivée musicalement. Elle connaissait déjà par coeur les chansons rebetiko mais j’ai été frappé par sa facilité à apprendre et par le travail qu’elle a fourni. Dès notre première rencontre, je lui ai demandé si elle savait chanter et si elle acceptait d’apprendre à danser la danse du ventre. Et je lui ai confié un baglama, l’instrument de musique qu’on utilise pour le rebetiko en lui demandant d’apprendre à en jouer. Tout ce

qu’elle fait dans le film, elle l’a travaillé", précise le réalisateur.

Simon Abkarian chez Gatlif

 

C'est la première fois que Tony Gatlif travaille avec l'acteur chevronné Simon Abkarian :

"Pour interpréter Kakourgos, l’oncle de Djam, je voulais un acteur qui porte le voyage sur son visage. Même si l’on sait que Simon est arménien, on ne sait pas exactement d’où il vient, il véhicule l’exil. C’est un copain de longue date et je savais que Simon était un véritable aficionado de la musique Rebetiko. Lorsque je lui ai demandé de faire la scène où il parle de la mère de Djam, exilée et morte à Paris, Simon m’a touché par sa sincérité et son émotion. Il a dû surement aller les chercher sur sa route d’Arménie, du Liban et d’ailleurs. C’est un acteur du coeur et du geste."

 

En filigrane, la crise des migrants ?

Entre Grèce et Turquie, les 2 personnages principaux, Djam et Avril, croisent la route de migrants. Tony Gatlif s'exprime à ce sujet :"J’étais conscient de mettre les filles dans les pas des migrants qui marchent d’Istanbul jusqu’à Edirne puis doivent traverser la rivière Ardas - une rivière très profonde, large d’entre vingt et trente mètres qui trace la frontière - pour atteindre Kastanies en Grèce. Les migrants y sont poussés de nuit par les passeurs dans de petites barques pneumatiques pour atteindre l’autre rive. Une fois de l’autre côté, ils se dirigent vers la gare de Didimotichio. Tous les migrants transitent par cette gare et j’étais certain d’y trouver des signes de leur passage quand nous y arriverions. 

 

En m’y rendant avec mes acteurs, le jour du tournage, je trouve des bûches à moitié consumées et je comprends que les migrants ont fait du thé : des boites de conserves qu’ils ont utilisé comme casseroles et des sachets lyophilisés en témoignent. Ils ont pris les vieilles traverses des rails pour construire un foyer. Ils se sont ensuite servis du charbon de bois pour écrire sur les murs. Là, un homme a marqué : «Libre venu de Shâm, il coule du sang à Alep et à Idlib.» Qu’il évoque Shâm- le territoire sacré des musulmans- prouve qu’il a choisi d’émigrer. Ce sont ces traces que je voulais filmer pour évoquer l’exode des Syriens pour témoigner de leur passage. C’est cette image de l’exil que je veux retenir."

Critiques

Bien qu’il ait depuis longtemps cessé de concentrer ses films sur la communauté gitane, Tony Gatlif n’a rien perdu de son appétence pour les individus déracinés ou en exil. Depuis une dizaine d’années, ses personnages principaux sont de plus essentiellement féminins. Autant dire que Djam s’inscrit parfaitement dans la droite lignée de sa filmographie puisqu’il s’agit de la rencontre, en Turquie, de deux jeunes femmes, l’une française, l’autre grecque. Il apparaît rapidement évident que la première n’est qu’un élément de scénario pour nous aider à mieux nous introduire la seconde. Cette dernière, en revanche, semble envoûter le réalisateur qui fait d’elle une nouvelle incarnation de la liberté.

Bien que cela semble difficile à croire à la vue de la place qu’elle y tient, Gatlif a reconnu avoir démarré l’écriture de son film avant de rencontrer l’actrice Daphné Patakia. Celle-ci apporte en effet son énergie, son charme mais aussi et surtout son talent de musicienne à son personnage, et ce dès la scène d’ouverture, riche en puissance évocatrice.

 

Au-delà du jeu de séduction qu’effectue Djam sur Avril au cours de leur voyage, il est impossible de nier que le scénario manque cruellement de réels enjeux. On sait depuis de longues années que Gatlif aime tout particulièrement structurer ses histoires comme des road-trips faits de longues errances et de rencontres impromptues. De là à dire que Djam n’est qu’une redite féminine de ses précédents films, il n’y a qu’un pas. Fort heureusement, l’énergie de son actrice se transforme en moteur pour cette dramaturgie maigrelette et nous emporte avec elle sur les routes de la frontière gréco-turque.

La véritable surprise dans cette construction classique, c’est que chaque scène musicale apparaît, non pas comme un instant de légèreté mais au contraire comme un soutien au discours se voulant politiquement engagé de son auteur. On en vient d’ailleurs à attendre que Djam se remette à chanter et danser plutôt que de continuer à se balader et à se montrer hystérique à chaque qu’elle croise la route d’un quidam...

 

A-voir-à-lire

Tony Gatlif continue d’explorer l’exil dans un road movie inspiré par le rébétiko, musique traditionnelle grecque et turque.

 

Djam est libre, brusque, imprévisible. Elle parle toute seule, ne porte jamais de culotte et danse jusqu’à s’étourdir sur des sons qui n’existent que dans sa tête. Fille d’une chanteuse de rébétiko, morte en exil en France, elle a reçu en héritage cette musique traditionnelle à la fois grecque et turque, née dans les bas-fonds d’Athènes et de Thessalonique et diffusée danse les îles par les Grecs chassés de ­Turquie. Djam (Daphné Patakia) vit à Lesbos, l’île désormais hérissée de grillages où, ces dernières années, des centaines de migrants ont tenté d’accoster. Quand Kakourgos (Simon Abkarian, très juste), le compagnon de sa mère, lui demande de partir en Turquie pour faire réparer la bielle de son antique bateau, elle embarque sur un ferry avec, dans son sac à dos, un baglama, l’instrument qu’elle ne quitte jamais.

 

Une Grèce rurale et déserte, ravagée par la crise

 

C’est le début d’un road-movie comme les aime Tony Gatlif, cinéaste de l’errance, de la révolte et de la mélancolie. À Istanbul, Djam croise Avril, une Française paumée, venue faire du bénévolat à la frontière syrienne. Sans argent, ne parlant que le français, elle s’accroche à Djam. Les deux jeunes femmes sans toit ni loi entament le périple buissonnier qui va les ramener à Mytilène, la capitale de Lesbos. Entre disputes et fous rires arrosés à l’ouzo, elles traversent à pied une Grèce rurale et déserte, ravagée par la crise, celle qu’on ne voit jamais sur les cartes postales. Leur route suit celle des migrants qui marchent d’Istanbul à Erdine, dont on repère à chaque étape les traces fantomatiques : un graffiti, un brasier éteint sur une voie ferrée, des barques éventrées et des montagnes de gilets de sauvetage échoués sur la plage de Lesbos. Foutraque et généreux, peuplé de rencontres brèves et improbables, Djam est le film de tous les exils. Celui de ces Syriens invisibles et celui des Grecs appauvris, asphyxiés par les banques. Ceux, plus anciens, des Algériens et des boat people. Les villages sont déserts, les gares fermées à cause de la grève générale, un homme menace de s’enterrer vivant après avoir été exproprié. Le pays a froid et vit au ralenti. Reste le rébétiko, chant réconfortant et subversif, interdit en Grèce par le régime des colonels.

 

Le partage et le mélange des cultures

 

« Il faut pisser sur la tombe de ceux qui interdisent la musique et la liberté », dit Djam en urinant sur la tombe de son grand-père, policier au service des fascistes. Comédienne grecque élevée en Belgique, Daphné Patakia est la révélation du film. Garçonne et féminine, elle chante, joue du baglama, quitte ses habits d’homme pour un costume de danseuse du ventre. Face à elle, Maryne Cayon prête son visage hors du temps et son corps miniature à Avril, post-adolescente fascinée par l’indépendance de Djam.

 

Musique orientale et occidentale, le rébétiko porte le partage et le mélange des cultures, auquel est si attaché Tony Gatlif. « Qu’est-ce que ça peut te faire d’où je viens ? » disent les paroles d’une chanson. Djam est grecque et parle français. Avril a la banlieue pour seule origine et se laisse happer par la culture grecque. Capitaine d’un rafiot longtemps resté à quai, Kakourgos porte sur son visage toute la douleur des déracinés. Dépouillé de ses biens, il prendra la mer avec d’autres naufragés de la crise, en route vers la liberté. À Lesbos, l’un de ses vieux amis se nomme Odysseus, ce n’est sûrement pas un hasard. 

 

 

L'humanité

Avec ses films tournés vers l'ail­leurs, le réalisateur d'Exils (2004) a donné vie à un cinéma exalté, plein d'émotions, parfois un peu folklorique. Le trait s'épure avec Djam, road movie aussi simple que son titre — prénom d'une jeune Grecque qui sourit à la vie, et parfois fait la grimace. Elle est un peu folle, Djam. Elle chante et danse ; elle se braque, toujours trop intense. Elle ressemble au passionné Gatlif, qui ne la quitte pas des yeux. Cette union entre le cinéaste et son héroïne prend tout son sens dans le monde divisé que l'on découvre. Voyageant de l'île de Lesbos à Istanbul, Djam croise des vies brisées par la crise et met ses pas dans ceux des migrants, dont le passage est évoqué par des images frappantes. Sur le mur d'une gare, une inscription en arabe (« le sang coule à Alep »). Sur le rivage, des bateaux fracassés. Sur une île, une montagne de gilets de sauvetage... A l'épicentre de la tragédie, le cinéaste la fait résonner avec intensité et pudeur. Et cherche à redéployer l'horizon dans le regard d'une fille qui traverse les frontières et va de l'avant. Porté par le personnage de Djam, le film l'est aussi par son interprète, une nouvelle venue saisissante, Daphné ­Patakia. Elle parle grec, français, anglais, s'imposant comme allégorie de notre présent mondialisé et figure d'espoir. Telle la Liberté guidant le peuple, qui montrait ses seins sur le ­fameux tableau de Delacroix, Djam joue la figure de proue avec tout son corps. Elle le montre, en joue, en rit. Elle est la jeunesse, le tumulte. Mais aussi le courage. A elle seule, un retentissant hymne à la vie.

 

Télérama

Rencontre avec Tony Gatlif et Daphné Patakia

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